Sport, grossophobie… alouette !

Par Josiane Demers

Chers lectrices et lecteurs du journal Le Collectif, je m’apprête à rédiger quelque chose qui normalement m’agace un peu en journalisme. Je vais écrire au « je » et ça se pourrait que vous déceliez des opinions. SACRILÈGE !

J’ai décidé d’aborder le sujet des personnes rondes et leur rapport au sport. La raison pour laquelle je m’implique plus personnellement dans cet article, c’est que je suis… grosse. Je parle par expérience.

Obésité et inactivité : une association typique, mais parfois erronée

Selon une étude de 2018 menée par Statistique Canada, « en 2018, 26,8 % des Canadiens de 18 ans et plus ont déclaré avoir une taille et un poids les classant dans la catégorie des personnes obèses. De plus, 36,3 % ont été classés dans la catégorie des personnes en situation d’embonpoint, ce qui portait à 63,1 % la proportion totale de Canadiens s’exposant à des risques accrus pour la santé en raison d’un excès de poids en 2018 ».

En comptant les personnes obèses et celles en situation d’embonpoint, cela voudrait dire qu’un peu plus de 17 millions de Canadiens sont des couch potatoes ! C’est drôle, j’ai comme un doute. Si on se fie à plusieurs préjugés, les personnes rondes sont, pour la plupart, inactives. Une importante partie de la population bénéficierait certainement de faire plus de sport. Par contre, il est important de ne pas faire trop de corrélations simplistes. Oui, l’obésité peut être causée par la sédentarité, mais ce n’est pas toujours le cas. Un phénomène n’est jamais expliqué que par un seul facteur.

La peur du regard de l’autre comme frein

La peur du regard de l’autre peut parfois freiner la volonté d’une personne obèse dans plusieurs sphères de sa vie. Pour ma part, j’ai presque refusé le poste comme cheffe de pupitre dans la section Sport et Bien-être, parce que je craignais que les gens me regardent et se disent qu’une personne ronde ne devrait pas obtenir un tel poste. Bon OK… ça a duré une grosse minute avant que je prenne sur moi et que ma tête de cochon me dise : « voyons donc, arrête de faire ta conne ! Tu ne vas certainement pas passer à côté de quelque chose qui te passionne pour ça ! »

Dans le sport, c’est la même chose. Quand je vais au centre sportif pour nager, il y a un petit 10 % de moi qui se dit : « maudit que je déteste être en maillot de bain devant le monde ». Ensuite, l’autre 90 % se dit : « à quel point on s’en fout, c’est TA santé qui importe ! » Cette attitude fonceuse m’a pris des années à forger. Pour certains, la voix dénigrante prend beaucoup plus de place.

Nous sommes tous et toutes différents. Je trouve d’une infinie tristesse le fait que certaines personnes s’empêchent de faire certains sports parce qu’ils craignent le jugement des pairs. Le sport est bénéfique pour la concentration, la santé mentale, l’estime de soi et bien plus encore.

Démocratiser le sport

Dans un document du ministère de l’Éducation du Québec de 2019 intitulé « fondements de la pratique sportive au Québec », l’historique de l’évolution sportive dans notre province est abordé. De l’inclusion des femmes jusqu’au développement des programmes de Sport-études, l’importance de l’activité physique est expliquée. En 1979, une première politique visant la démocratisation du sport est adoptée et exprime la volonté de « rendre la pratique sportive et les fonctions d’encadrants accessibles à tous les Québécois ». Cela inclut également les personnes rondes.

Ce qui est important à retenir, c’est que le sport devrait être accessible à toutes et tous, peu importe leur condition physique, et qu’il n’est pas nécessaire de viser l’excellence ou la performance pour avoir un mode de vie actif. Afin d’encourager les personnes en surpoids à se sentir à l’aise dans des environnements sportifs, il serait parfois optimal d’ajouter certains outils. Par exemple, dans un studio de yoga, il y a souvent des blocs, des courroies et des coussins pour maximiser le confort et ajuster la pratique pour la rendre accessible. Cela pourrait facilement s’appliquer dans d’autres activités. Plusieurs personnes ayant un surplus de poids pratiquent des sports à différents degrés d’intensité. Il est important de ne pas se décourager, car la plupart des activités sportives sont adaptables aux différentes conditions physiques.

Au-delà de l’activité en soi, trouver des vêtements adéquats à la bonne taille peut représenter un défi. Heureusement, depuis quelques années, certaines grandes marques telles que Champion, North Face, Tyr ou encore Fabletics ont ajouté des tailles plus. Cela simplifie la tâche, bien que parfois, le coût d’un vêtement de sport de taille plus dépasse largement celui de taille régulière. Les personnes en surpoids doivent alors débourser plus d’argent pour pratiquer leurs activités préférées.

Grossophobie ou science

Le phénomène de la grossophobie existe, qu’on adhère au terme ou pas. Néanmoins, il faut parfois se calmer l’activiste intérieur. Est-ce que les normes sociétales ont conditionné les gens à avoir certains préjugés face aux personnes rondes ? Absolument ! Est-ce que ça me rendait triste d’être toujours choisie en dernier au ballon-chasseur ? Certainement ! Sauf qu’à un moment donné, il faut accepter que certaines choses soient factuelles et aient été prouvées scientifiquement.

Depuis le début de la pandémie, l’obésité a été nommée comme facteur aggravant par rapport à la sévérité des symptômes potentiels. Certains scandaient aux préjugés et à la discrimination sur les réseaux sociaux. Il ne faut pas favoriser la cause au détriment de notre jugement. En ce qui me concerne, ma réaction fut de faire encore plus attention de ne pas contracter ce satané virus. Ces affirmations émises par des scientifiques et basées sur des recherches rigoureuses ne sont en rien discriminatoires. Elles sont plutôt factuelles. Le docteur Richard Béliveau, en entrevue à Radio-Canada rapporte « qu’une étude britannique précise que les personnes obèses voient leur risque de décès dû à la COVID-19 augmenter de 40 % et ceux en obésité morbide verraient ce risque augmenter à 90 % ». La société a des croutes à manger face à l’acceptation de la diversité corporelle et l’activisme face à la grossophobie est nécessaire. En revanche, il faut parfois essayer de garder la tête froide quand on analyse une problématique.

Ce que j’ai envie de vous dire, c’est d’essayer de voir les gens comme des êtres à part entière en mettant les jugements de côté. Des pas vers l’acceptation de la diversité corporelle nous permettent d’avancer dans la bonne direction depuis quelques années. C’est positif et il faut le reconnaître. La seule façon d’enrayer une problématique, c’est d’accepter qu’elle existe et de prendre des actions concrètes pour y remédier.

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