Les jeunes de 15 à 35 ans ont tendance à être plus écoanxieux que leurs parents et grands-parents, à un point tel que plusieurs considèrent qu’il n’y a plus d’espoir pour l’humanité. Certains renoncent même alors à mettre des enfants au monde sur cette planète qui se meurt.
Devenir parents est rendu un choix éthique à savoir si on laisse une planète habitable ou pas aux futures générations. Selon une étude menée dans 10 pays auprès de 10 000 répondants âgés de 16 à 25 ans, 84 % d’entre eux sont inquiets pour l’avenir de la planète. Près de la moitié affirment que la peur, la culpabilité et le désespoir face aux changements climatiques et à l’inaction des gouvernements affectent leur bien-être au quotidien. Pour ce qui est d’avoir une famille, il s’agit de 40 % des répondants au sondage qui hésitent.
Cette génération a vu le jour dans un monde qui ressemble de plus en plus à un film apocalyptique, mettant la faute sur les générations précédentes qui n’ont pas fait attention au monde qu’elles leur léguaient.
Choix égoïste?
Rosalie Bonenfant, comédienne, animatrice et autrice de la génération Z, est d’avis que d’avoir un enfant, aujourd’hui, est un choix égoïste. « Je me sens déjà si souvent coupable dans la vie. Je fais de mon mieux, mais je ne suis pas parfaite ; et ne pas créer un autre humain me semble une façon concrète de réduire mon impact sur l’environnement », explique-t-elle, ajoutant qu’elle ne voudrait pas infliger des catastrophes naturelles à un être vivant.
Toutes les générations d’humains ont fait face à plusieurs grands bouleversements. Le sentiment de danger à son comble n’a donc rien de théorique. Rêver d’avenir dans cette crise climatique est un peu irréel. Julie-Christine Denoncourt, conseillère en recherche pour Équiterre, affirme dans le magazine Elle envier les générations d’avant qui ne se posaient pas la question s’ils voulaient des enfants ou pas. « Comme je ressens très concrètement les effets des changements climatiques, je n’ai pas vraiment le luxe de m’interroger sur ce que je veux. »
Certains jeunes avouent être en contradiction avec eux-mêmes constamment. Ils ont du mal à choisir entre leur désir d’être parent et leurs inquiétudes face à l’avenir concernant le climat.
« Je me rappelle qu’en 2018, le rapport du GIEC m’avait rendue très incertaine par rapport à mon propre avenir, et j’en faisais de l’insomnie », raconte Alexandra Hénault, étudiante en sociologie, à Radio-Canada. Elle se demande qu’elle est son rôle de mère si elle n’a elle-même pas confiance en l’avenir et quelle image est alors envoyée à l’enfant.
Plusieurs jeunes estiment alors que les impacts de la crise climatique ne leur laissent pas vraiment le choix. Alexandra Hénault estime qu’« avoir un enfant en ce moment, c’est aussi un facteur polluant de plus. »
Repenser la façon de voir les choses
Selon la docteure Joellen Russel, océanographe, climatologue et professeure à l’Université de l’Arizona, il serait possible de concilier le désir d’être parents éventuellement avec l’écoanxiété ressentie. Selon elle, les enfants font partie de la solution. Elle fait partie de Science Moms, un collectif formé par des mères et femmes de science qui démystifie la science du climat. Le groupe motive également les parents à se battre avec et pour leurs enfants, pour la survie de l’écosystème. « Je veux léguer un monde en santé à mes enfants et petits-enfants », exprime-t-elle, affirmant que de devenir parents est un privilège qu’il faut reconnaître et utiliser de manière responsable en mettant tout en œuvre pour élever des acteurs de changement.
Pour Colleen Thorpe, directrice générale d’Équiterre, les liens sociaux remplacés par la consommation sont ce qui crée la problématique actuelle liée à l’environnement. Il faudrait donc concilier le désir d’être parents avec celui de protéger l’environnement en abordant le concept de famille autrement. « Il faut miser sur le partage des biens et des ressources, mais aussi sur l’entraide et la connexion des uns avec les autres », souligne-t-elle. L’engagement, selon elle, est essentiel puisque l’humain vit en interdépendance avec sa communauté.
Moteur d’action
Sur le plan plus large, Anne-Sophie Gousse-Lessard défend l’idée selon laquelle l’écoanxiété pourrait être un moteur d’action individuelle et d’implication citoyenne. Les préoccupations constructives résultant de l’écoanxiété peuvent entraîner des comportements pro-environnementaux, selon elle. « En résulte un sentiment d’efficacité associé aux actions en question. Le risque d’un engagement écoanxieux est cependant de parvenir à un sentiment d’épuisement puisque la personne qui essaie de faire quelque chose pour l’environnement n’obtient pas de résultat ou adopte une attitude pessimiste et découragée face à l’avenir ».
Certaines personnes vont donc changer leur comportement en agissant pour l’environnement et à demander aux autres, notamment aux décideurs, de faire quelque chose contre les menaces actuelles. Pour ces gens qui se mobilisent, il faut agir pour pouvoir vivre une vie complète comme les générations avant eux, et se joindre à un groupe aide et permet de gérer son anxiété.
L’engagement collectif est important, selon les experts, pour se sentir soutenu puisque les résultats aident à donner de l’espoir. Être écoanxieux n’est pas négatif en tant que tel, ça veut tout simplement dire que nous nous soucions de notre avenir.
D’ailleurs, les jeunes ont été historiquement la première couche de la population à être sensibilisée aux questions environnementales. En 1990, l’Association québécoise pour la promotion de l’éducation relative à l’environnement a été fondée. Ensuite, c’est la Commission scolaire de Montréal qui s’est munie d’une politique environnementale. Puis, le premier Congrès mondial de l’éducation à l’environnement a eu lieu en 2003. C’est alors une nouvelle génération, plus sensibilisée à ces questions, qui a grandi avec ces préoccupations, ce qui a créé une fracture générationnelle qui ne fait que s’accroître.
Crédits: Sarah Gendreau Simoneau
Sarah Gendreau Simoneau
Passionnée par tout ce qui touche les médias, Sarah a effectué deux stages au sein du quotidien La Tribune comme journaliste durant son cursus scolaire, en plus d’y avoir œuvré en tant que pigiste durant plusieurs mois. Auparavant cheffe de pupitre pour la section Sports et bien-être du journal, et maintenant rédactrice en chef, elle est fière de mettre sa touche personnelle dans ce média de qualité de l’Université de Sherbrooke depuis mai 2021.
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