Par Émilie Oliver
Le Vert & Or de l’Université de Sherbrooke a tenu le 6 avril dernier sa soirée annuelle afin de souligner les efforts et les réussites des membres « de la famille Vert & Or ». Pour l’occasion, équipes d’excellence et clubs sportifs étaient réunis pour célébrer la fin de leurs saisons respectives. Au sein des rangs, certains vétérans et vétéranes soulignaient officiellement leur retraite du sport universitaire, un deuil inhabituel, parfois inattendu et « particulièrement marquant » pour certains.
Le sport universitaire représente une grande partie de la vie des sportifs de haut niveau. Par choix, ou parfois par obligation, la pratique d’une discipline sportive à un niveau aussi élevé représente l’abandon des autres sphères de la vie des athlètes. Effectivement, plusieurs débutent le sport compétitif à un très jeune âge et redoutent le jour où la retraite sera à leurs portes. Avec une passion aussi demandante, plusieurs constatent, lorsque la fin de la carrière approche, que l’équilibre qui était autrement procuré par les entraînements et l’encadrement sportif s’envole.
Faire partie de l’élite, ou des retraités
Les chiffres sont clairs : aux États-Unis, outre la MLB (baseball), où les athlètes s’avèrent avoir dix fois plus de chances d’être repêchés, les probabilités d’évoluer dans les ligues professionnelles au football américain, au hockey ainsi qu’au basketball demeurent sous les 2 %. La NCAA (National Collegiate Athletic Association) divulguait d’ailleurs en 2020 des chiffres encore plus faibles pour les femmes. En effet, au basketball, c’est 0,8 % des femmes (31 sur 3 669) qui ont été repêchées au sein des ligues professionnelles. Pour la grande majorité de celles et ceux qui ne seront pas accueillis au sein d’une équipe du niveau supérieur, la retraite s’amorce, dès lors, tranquillement.
Confrontée à ces statistiques, Aurélie D’Anjou Drouin, athlète universitaire en basketball à l’Université Concordia de 2014 à 2019, mentionne ne pas être surprise. « C’est clair que, pour les femmes, c’est plus simple de se préparer à la fin de la carrière, parce que les chances de jouer dans les ligues professionnelles sont très minces, malheureusement. En plus, lorsque les quelques femmes exceptionnellement talentueuses atteignent les ligues professionnelles, elles doivent souvent se trouver un deuxième ou même troisième emploi. On s’éloigne donc éventuellement de ce rêve, on se dit qu’on va passer à autre chose, avoir une carrière, une famille, ou autres objectifs qui n’incluent pas nécessairement le sport compétitif. » Toutefois, bien que ce passage soit inévitable et que les athlètes s’y en attendent, bon nombre d’entre eux n’y sont pas adéquatement préparés.
La préparation nécessaire à la transition
L’importance de la préparation mentale et de la diversification des activités des athlètes en fin de carrière se fait sentir de plus en plus depuis la dernière décennie. Psychologues sportifs, préparateurs mentaux et une multitude de professionnels de la santé mentale sont déployés au sein des équipes de tous les niveaux. En effet, plusieurs organismes, tels que l’Alliance Sport-Études, soutiennent que « d’essayer des activités diversifiées est un moyen efficace de déterminer les options possibles après la retraite ». Les conversations ouvertes de la part d’athlètes, d’entraîneurs et d’organisations sportives concernant la santé mentale sont également des facteurs facilitant le dialogue et la prise de parole en cas de détresse. Rappelons toutefois que les ex-sportifs n’ont pas toujours été aussi bien outillés en gestion de la santé mentale : en 2011, trois anciens joueurs de la LNH ont mis fin à leurs jours en l’espace de quatre mois, sonnant l’alerte d’un malaise profond chez les membres de la ligue.
Les athlètes universitaires semblent toutefois s’en tirer mieux que leurs collègues qui ont accédé aux circuits professionnels sans passer par le sport étudiant. En effet, il a été prouvé que la quête de sens suivant la retraite s’avérait moins importante lorsque l’athlète pouvait se rabattre sur une carrière professionnelle satisfaisante et gratifiante, à l’instar d’une carrière sportive. Pour Aurélie D’Anjou Drouin, la fin de la carrière sportive représentait même au début « un nouveau départ positif » qui lui permettrait de faire toutes les choses qu’elle avait dû sacrifier pour faire toute la place nécessaire au basketball. « Ça, c’était avant que je commence à travailler mes 40 heures par semaine », ajoute-t-elle. « Quand on réalise que le vendredi soir n’est plus le soir de préparation pour le match du samedi, c’est à ce moment-là que ça frappe. »
Trouver la performance et la compétition ailleurs
Au niveau professionnel, les légendes sportives se réorientent couramment vers des branches connexes à leur sport en tant qu’entraîneurs, commentateurs sportifs, analystes de statistiques ou même ailleurs dans le monde du sport. Certains se tourneront éventuellement vers l’aspect marketing du sport, en lançant leur propre compagnie de vêtements, un balado ou encore en œuvrant dans le développement du sport auprès des communautés en difficulté.
Toutefois, pour l’athlète universitaire moyen terminant ses études, un deuil important s’installe. L’entièreté de l’espace qui était précédemment occupé par la pratique d’une discipline sportive laisse maintenant place à un vide qui doit être comblé par de nouvelles activités. Aurélie d’Anjou Drouin avoue même que l’acceptation de ce qu’elle appelle « sa nouvelle vie », c’est-à-dire la vie après le basketball universitaire, lui aurait pris plus ou moins deux ans. Les sports récréatifs ou même semi-professionnels, pratiqués quelques fois par semaine se sont avérés, pour d’Anjou Drouin, être de bonnes solutions pour maintenir une santé mentale en plus d’apaiser sa soif de compétition innée. Après quelques années de recherche et de travail sur soi, l’ancienne arrière des Stingers se dit en équilibre. « Au final, il faut garder en tête que même si c’est la fin de notre carrière universitaire, ce n’est pas pour autant qu’on doit se retirer du sport, tout court. »
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