Par Elizabeth Gagné
Le vernissage de l’exposition YATSIHSTA, porter les braises, avait lieu le 8 février à la Galerie d’art Antoine-Sirois de l’Université de Sherbrooke. Cette exposition s’inscrit dans la phase II d’un plus vaste événement d’YA’ATA : Art total autochtone.
Le vernissage a permis non seulement d’apprécier la diversité des œuvres et leurs messages, mais également de pouvoir discuter avec les gens qui sont derrière cette exposition de l’art autochtone total.
Un mot des organisateurs
Pour la directrice artistique Caroline Loncol Daigneault, il était question de la place de l’art dans la société et de son pouvoir transformateur. L’exposition s’inscrit dans l’art nature et l’art hors institution. En effet, dans un mouvement visant à décoloniser l’Université de Sherbrooke, nous informe-t-elle, il est grand temps que les codes portés par les Premières Nations prédominent et soient soutenus par l’institution universitaire.
Le commissaire wendat, monsieur Guy Sioui Durand, a ensuite pris la parole. Pour lui, le langage anime les objets. Il fait référence ici à l’art vivant. Il propose une transformation du monde par l’art action et par l’art autochtone vivant. Son regard porte sur l’art autochtone, de même que sur l’art contemporain. D’un côté, il met l’accent sur la décolonisation des esprits par l’« ensauvagement » de nos imaginaires, mais aussi sur le renouvellement de nos relations.
Les œuvres
Quatre artistes autochtones occupent l’espace de la Galerie d’art Antoine-Sirois. Les œuvres de Jacques Newashish, de Mélanie O’Bomsawin, de Christine Sioui Wawanoloath et de Michel Teltarihulen Savard sont toutes connectées par un désir de résistance, de transmettre leur valeur ainsi que leur mémoire et celle de leurs ancêtres et surtout de décoloniser l’art autochtone.
On sent que leur rapport à la terre, à l’esprit de la grande tortue, transcende leur créativité en faisant de l’exposition un modèle de l’écosystème artistique. L’utilisation, pour plusieurs, de matériaux récupérés en témoigne. Le démantèlement de cliché est également à l’honneur comme l’exprime le Kano nomade servant à transporter avec soi le matériel nécessaire à sa fabrication réalisée par Michel Teharihulen.
L’œuvre la plus touchante est Mémoire de pierre, de Mélanie O’bomsawin dont les petites pierres au sol avec le tabac commémorent les enfants des pensionnats, qui ne deviendront jamais grands-parents. Dans la culture w8banaki, les pierres représentent les grands-pères qui connaissent le plus d’histoires. C’est donc une façon de « figer dans le rock » leur passage sur cette terre. Si vous tendez l’oreille vers les grandes pierres aux murs, vous entendrez les histoires des grands-pères de l’artiste. Une façon de garder dans la pierre leur mémoire, clin d’œil à la tradition orale. Jacques Newashish, qui était présent, nous raconte comment la peinture est le médium par lequel il se découvre. Étant chaman, ses visions colorent et illustrent ce qu’il est. « Je suis le territoire et mon œil est l’univers par lequel je vois ». Ses propos se transposent dans sa série d’autoportraits.
Crédit image @Facebook Galerie d’art Antoine-Sirois