Magali Picard, nouvelle présidente de la FTQ  

Par Josiane Demers 

C’est le 16 janvier dernier qu’on apprenait l’entrée en poste de Magali Picard en tant que présidente de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ), la plus grande centrale syndicale de la belle province. Cette femme d’expérience est donc devenue la première femme et la première personne autochtone à occuper ce poste. Un vent de fraicheur risque de souffler avec l’arrivée de cette dirigeante qui n’a pas la langue de bois.   

Madame Picard succède à Daniel Boyer, qui occupait cette fonction depuis 2013. Il avait annoncé en novembre dernier qu’il ne solliciterait pas un autre mandat. C’est sans opposition que la femme d’expérience a été promue devant 1 200 délégués, qui se sont levés pour l’applaudir chaudement comme le rapporte La Presse. Ainsi, Magali Picard se voit confier la responsabilité de l’organisation représentant plus de 600 000 membres à ce jour.  

La femme derrière le poste 

Magali Picard est née à Montréal d’un père Huron-Wendate et d’une mère caucasienne. Lorsque son père a pris sa retraite, la famille a déménagé au village du paternel. Comme elle l’a mentionné à l’émission Tout le monde en parle (TLMEP) diffusée à Radio-Canada, madame Picard a commencé à s’intéresser à la justice sociale alors qu’elle n’était qu’une jeune adolescente : « En arrivant à Wendake, je réalise rapidement que, dans mon petit village, toutes mes tantes habitent aux abords de la réserve ». Son père lui a alors expliqué que conformément à la Loi sur les Indiens, les femmes autochtones qui mariaient des blancs perdaient leur statut et devaient quitter la réserve alors que si une femme se mariait avec un homme autochtone, il n’y avait pas de problème. « J’avais 12 ans, et j’ai compris qu’il y avait une injustice, » explique-t-elle.  

C’est ce constat qui a fait d’elle la militante qu’elle est aujourd’hui. En effet, dès cette époque, elle prenait l’autobus, avec d’autres membres de sa communauté, vers Ottawa pour militer contre cette règle. C’est en 1985 que la Loi sur les Indiens a été modifiée et que les tantes de madame Picard ont pu revenir s’installer à Wendake en 1986. La flamme en elle ne s’est pas éteinte depuis ce premier combat.  

Rappelons que la nouvelle présidente de la FTQ, comme indiqué dans un article du journal Le Devoir, a un curriculum vitae bien garni. Elle s’est surtout démarquée lorsqu’elle était vice-présidente de l’Alliance de la fonction publique du Canada, le syndicat pancanadien des fonctionnaires fédéraux, parce qu’elle y siégeait durant le fiasco du système de paie Phoenix. Elle s’est battue pour obtenir des compensations pour ses membres.  

Construction: le mouton noir? 

La FTQ comprend une trentaine de syndicats affiliés, dont la FTQ construction. Dans les dernières années, plusieurs histoires de corruption et de collusion impliquant cette organisation ont fait les manchettes. Le chroniqueur de La Presse, Yves Boisvert, a même qualifié le regroupement de « gangrène de la FTQ ». Après des histoires de fraude et de pots-de-vin, qui ont mené à la commission d’enquête Charbonneau, le Québec apprenait en avril dernier que celui qui était alors directeur général de l’Association des Manœuvres Inter-Provinciaux (AMI), Rénald Grondin, avait agressé et harcelé sa secrétaire sur une période de 2 ans entre 2008 et 2010. Malgré un verdict de culpabilité en 2018, comme le rapporte Émilie Bilodeau de La Presse, il est tout de même devenu président de la FTQ construction. Il est également impossible d’oublier Bernard « Rambo » Gauthier, qui a lui-même confirmé durant la pandémie qu’il était membre du groupe d’extrême droite connu sous le nom de la Meute. Il s’agit d’un seul exemple pour démontrer l’esprit de cette organisation ayant plusieurs membres flirtant avec la criminalité.  

Magali Picard est bien consciente que ce mouton noir de la FTQ devra être réhabilité auprès de l’opinion publique tout en expliquant qu’elle est fière de l’organisation. À TLMEP, elle a expliqué l’importance de la FTQ construction, considérant que ce syndicat « représente des travailleurs et des travailleuses qui sont les plus accidentés dans leur milieu de travail, où il y a le plus de décès chaque année. Ça, dans un monde extrêmement difficile où la compétition est féroce. Il y a des gens de cœur qui font un travail exceptionnel et comme dans n’importe quelle organisation, ou n’importe quel gouvernement, il y a des individus que l’on n’aurait pas voulu connaitre. » 

Pas juste une déduction sur une paie 

Le défi s’annonce ardu pour madame Picard. Beaucoup de gens au Québec jugent que les syndicats ont trop de pouvoir ou qu’ils ne servent à rien. Plusieurs personnes syndiquées ne sont pas bien informées sur l’utilité d’un syndicat et sont plutôt embêtées par la déduction salée qu’elles constatent sur leur talon de paie. À ce sujet, en entrevue à 24/60 sur les ondes de RDI, elle indique être consciente que la FTQ s’est éloignée de ses membres dans les dernières décennies. Elle souhaite donc rétablir les liens et veut s’assurer que les individus syndiqués savent pourquoi ils paient. Elle veut s’éloigner des stéréotypes qui soulignent que les syndicats protègent les paresseux et souligner l’importance d’un syndicat lorsque vient le temps de négocier des augmentations de salaire ou encore, des congés de maladie payés.  

Finalement, cette femme de tête, et aussi de cœur, ne mâche pas ses mots lorsqu’elle parle du gouvernement caquiste : « Je trouve que c’est un gouvernement extrêmement arrogant. M. Legault gère le Québec comme s’il avait toute la population avec lui. Il y a quand même 59 % de la population qui n’a pas voté pour ce gouvernement. » Elle ne compte pas former d’alliance avec un parti politique et souhaite questionner la CAQ sur beaucoup d’enjeux importants.  


Crédit image @Facebook FTQ

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