Par Sarah Gendreau Simoneau
Le monde du sport est un terreau fertile pour les histoires d’abus. Abus sexuels, abus de pouvoir, abus des capacités physiques; de nombreuses horreurs se produisent dans ce milieu et il est temps que ça cesse. Il y a un an, le gouvernement mettait sur pied un organisme indépendant pour les athlètes québécois victimes d’abus ou de harcèlement.
L’Officier des plaintes est en poste depuis le 1er février dernier. Le milieu du sport au Québec avait besoin d’un outil complètement neutre pour gérer les plaintes faites par ses athlètes. Avant ça, c’était chaque fédération qui devait se réguler. Les malaises et le mauvais fonctionnement étaient au rendez-vous.
Un premier bilan satisfaisant
Entre le 1er février 2021 et le 30 septembre 2021, ce nouveau mécanisme de signalement a reçu 69 plaintes. De ces plaintes, 36 ont été jugées non recevables, 9 ont été fermées à la demande ou à la satisfaction du plaignant, 7 décisions ont été rendues et 17 étaient toujours en traitement à la fin du mois d’octobre, selon Radio-Canada Sports.
Lise Charbonneau, directrice de la gestion des risques et protection de l’intégrité au Réseau loisir et sport du Québec (RLSQ), qui est l’organisme responsable de l’Officier des plaintes, se dit réjouie de ces données. « Il ne faut pas oublier que l’on était en période de COVID. Plein d’activités n’ont pas eu lieu et, malgré tout, les gens ont été interpellés au point où ils ont appuyé sur le bouton “Je porte plainte”. Pour moi, 69, c’est une réussite. »
Le bouton « Je porte plainte » dont il est question est une obligation pour chaque fédération sportive à mettre sur leur site Internet puisque la majorité des plaintes sont faites sur le web. Selon Radio-Canada Sports, la plupart des fédérations se sont conformées. Plusieurs ont d’ailleurs placé le lien et le logo bien en vue sur leur page d’accueil, alors que d’autres ont caché le logo sous l’onglet « Sport sécuritaire » ou sous « Politique de protection de l’intégrité ».
Cible atteinte? Fonctionnement adéquat?
Ce sont surtout de jeunes adultes qui portent plainte. Pour qu’elle soit admissible, la plainte doit porter sur de l’abus, de la négligence, du harcèlement ou de la violence. Le rôle de l’Officier dans tout ça n’est pas d’enquêter sur les dossiers reçus. « Le mécanisme s’apparente beaucoup à ce que l’on voit devant un comité de discipline, explique Lise Charbonneau, le but n’est pas de faire une enquête devant un tribunal. Son rôle est de s’attarder à la recevabilité ».
Alors comment ça fonctionne? Lorsque l’équipe reçoit une plainte, il lui faut d’abord analyser son admissibilité. Si elle est admissible, elle peut suivre différents chemins, comme la médiation si la victime présumée l’accepte ou une audience devant le comité d’intégrité, composé de trois personnes complètement indépendantes des fédérations sportives qui rendra par la suite une décision.
Vicky Poirier, présidente et directrice générale d’ALIAS Ligne de signalement, l’entreprise derrière l’Officier des plaintes, traite elle-même certains dossiers. Elle décrit le rôle de l’officier comme étant un coordonnateur ou un accompagnateur qui explique chaque étape aux personnes portant plainte. « La mission derrière la politique d’intégrité, c’est de ramener le jeune le plus rapidement possible dans un milieu sain. Tous les intervenants et les parties prenantes doivent avoir ça à l’esprit. On est là pour attacher les petites boucles entre chaque personne et s’assurer qu’au terme de tout ça, lorsque l’on revient au plaignant ou à l’athlète, tout est revenu à la normale et que les actions posées sont adéquates ».
C’est aussi l’équipe de l’Officier des plaintes qui doit s’assurer que la décision du comité d’intégrité est bien respectée. Lise Charbonneau donne l’exemple que « si une partie impliquée doit envoyer une lettre d’excuses à la victime, c’est à l’officier de s’assurer que la lettre est bien rédigée et transmise à la victime ».
Et comme tout bon fonctionnement dans la vie, cet outil de signalement n’y échappe pas : il ne fait pas que des heureux. « En toute lucidité, on ne peut pas écarter que la finalité du processus ne soit peut-être pas celle souhaitée par l’une ou l’autre des parties, admet Vicky Poirier. D’entrée de jeu, l’officier doit bien expliquer le processus et que les types de sanctions seront conséquentes des actes répréhensibles. On ne veut pas que ça génère plus de frustrations. »
Un outil en constante amélioration
Vicky Poirier admet que l’organisme est jeune. La politique est nouvelle, mais ils voient déjà des situations concrètes qui ont eu un impact positif. « Concernant les actes répréhensibles, c’est clair que l’on aimerait bien mieux être dans la prévention plutôt que dans la réaction, mais tout ce qui se passe actuellement, ça permet de rayonner, de sensibiliser les acteurs aux bonnes pratiques et aux bons comportements attendus. » Ça augure bien pour la suite des choses.
En plus, le modèle québécois semble en être un à copier. Plusieurs fédérations nationales souhaitent utiliser le processus, selon la directrice du RLSQ. Ces fédérations trouvent l’officier extraordinaire, bien ficelé.
Au cours des dernières années, plusieurs acteurs se sont levés pour réclamer un changement de culture au sein de certaines fédérations sportives et plusieurs dénoncent la lenteur du mouvement. L’Officier des plaintes ne pourra pas tout régler seul. Il va falloir des alliés, prêts à croiser le fer pour contrer les abus dans les sports.
Lise Charbonneau affirme qu’il y a un bon bout de chemin de fait au niveau des fédérations. Elles sont sensibilisées puisqu’il y a des messages qui se passent. « Mon feeling profond, il faut être patient, mais certaines choses sont mises en place et les gens ne peuvent pas être contre la vertu. Ce que l’on amène avec cette politique-là, c’est une amélioration des façons de faire et ultimement, la victime ne s’en plaint pas du tout », réitère Vicky Poirier.
Reste à voir dans les prochains mois, prochaines années, comme tout ça va s’arrimer, mais l’Officier est bien parti et c’est un pas de plus dans la direction de la dénonciation des abus dans le sport.
Crédit photo @ Sarah Gendreau Simoneau