Par Amandine de Chanteloup
Catherine Dumont-Lévesque, détentrice d’une maitrise en Histoire à l’UdeS, mais également vulgarisatrice, tente d’ouvrir le public à un point de vue féministe de l’Histoire par le biais de sa chaîne YouTube : Le petit cours d’histoire féministe.
Son œuvre est composée d’une 30e de capsules allant de 5 à 15 minutes, portant sur des sujets variés de l’histoire des femmes. Spécialisée dans un domaine plus axé sur l’histoire des femmes du Québec, Catherine vient toutefois toucher à divers sujets allant du droit des femmes autochtones à l’histoire des sorcières en Occident.
La naissance du projet
En créant sa chaîne YouTube au printemps 2021, Catherine offre une meilleure accessibilité de cette source d’informations au public. Le fait de créer de courtes capsules permet une consommation rapide, ce qui est une très bonne façon de rejoindre davantage de gens, plutôt que d’écrire un article qui ne sera lu que par un groupe universitaire. Ainsi, en rendant son travail le plus accessible, elle permet une meilleure éducation du public à l’histoire des femmes : « On ne parle pas assez des femmes en histoire. J’ai l’impression qu’elles auraient une meilleure image d’elles-mêmes si elles se voyaient dans l’histoire. Pour moi, c’est quasiment une mission politique de faire ça. »
Pendant ses études, la jeune femme voit sa conscience féministe se développer. Elle réalise donc son mémoire de maitrise sur l’histoire de l’adolescence au Québec, où elle traite de la sexualité des jeunes filles québécoises dans les années 80. Elle analyse le sujet sous deux aspects, soit celui de la sexualité des adolescentes et celui de leur apparence corporelle, en se basant sur des sources telles que les magazines féminins. Effectuer cette recherche lui a permis de comprendre plusieurs facteurs d’une telle stigmatisation de la sexualité des femmes aujourd’hui, mais également de comprendre pourquoi il y avait autant de grossophobie dans nos sociétés.
« On observe le passé, et on se rend compte que les choses ne changent pas tant que ça. »
Processus de création
La création de chaque capsule qui compose sa chaîne débute par un vote de ses abonnés sur Facebook. Ces derniers font donc un choix parmi plusieurs thèmes proposés par Catherine. Son inspiration lui vient de sujets actuels, de ce qui la fait réagir, ou de sujets inédits qui ont besoin d’être traités : « Faire de l’histoire, c’est un peu être dans le présent, parce que ce qu’il se passe dans l’actualité nous amène sans cesse en arrière. »
Ce qu’elle aime particulièrement, c’est traiter de sujets dont personne n’a entendu parler, ou encore, déconstruire l’image idéalisée de certaines grandes figures historiques.
Malgré tout, il arrive à l’historienne de rencontrer diverses difficultés au niveau de ses sources. Certains sujets sont moins arides que d’autres, mais il arrive qu’elle ne trouve rien. Bien des historiens, dans leurs propres recherches, ne font que mentionner les femmes et ne s’épanchent pas davantage. Très peu d’archives sur leur histoire sont conservées et Catherine se retrouve donc parfois face à un vide total. Il s’agit d’un problème récurrent pour les historiennes et historiens des femmes. Ce phénomène démontre à quel point il reste bien du travail à faire pour sortir les femmes de l’ombre.
Un besoin comblé
Plus la chaîne de l’historienne prend de l’essor, plus elle reçoit de retours. Ces derniers sont plus que positifs, puisque le public trouve les sujets très intéressants. Catherine a jusqu’alors eu affaire à très peu de commentaires négatifs. Il est donc évident que la chaîne vient combler un besoin en offrant au public d’en apprendre davantage sur des thèmes qu’ils ne connaissent pas. Tous ces retours confirment donc la raison d’être de la chaîne : « Les femmes veulent se voir dans l’Histoire et veulent apprendre leur propre histoire. » Dans le monde de la vulgarisation scientifique, la place accordée à l’histoire des femmes et des diversités est encore trop mince. Le fait qu’une créatrice de contenu québécoise ait fait un premier pas permettra sûrement d’éveiller davantage les consciences.
L’avenir de son œuvre
L’historienne prépare déjà le sujet de sa prochaine vidéo qui traitera de l’afroféminisme. Également, elle a récemment été sollicitée par un organisme afin de réaliser une conférence sur l’histoire des mouvements féministes au Québec. Ce genre de projets éveille particulièrement son intérêt, puisqu’elle souhaiterait pouvoir diversifier l’offre de son discours, et ce par plusieurs moyens, comme par la réalisation de conférences, d’évènements en personne, par la publication d’un nouveau livre, etc.
Elle évoque même la création d’un podcast où elle pourrait échanger avec des spécialistes en études des genres : « J’aimerais jaser avec eux de la difficulté des sources sur les femmes et les personnes issues de la diversité de genre, mais je me rends compte qu’il y a peu d’historiennes qui se disent féministes dans leurs recherches, dans l’espace public. »
Elle souhaite donc de tout cœur que ses démarches amènent la légitimité de se dire féministe, tout en faisant de l’histoire ou de la sociologie : « On m’a beaucoup dit que je ne pouvais pas être les deux à la fois, que je ne pouvais pas avoir une analyse féministe de l’histoire, mais je suis convaincue du contraire. »
En plus de tous ses projets à court terme, Catherine couve l’espoir de faire de son œuvre un emploi qui lui permette de vivre, même si elle est consciente des étapes qu’il lui reste à franchir. Elle aimerait donc que sa chaîne devienne plus populaire, tout en souhaitant conserver la bienveillance de son public actuel.
Toujours dans un but éducatif, elle souhaiterait également pouvoir un jour réaliser un documentaire sur les sorcières contemporaines. Elle y ferait le pont entre leurs ancêtres et le traitement qu’elles ont subi, ainsi que sur le côté spirituel des sorcières actuelles.
L’éducation qu’offre Catherine par le biais de sa chaîne YouTube permet donc à son public de considérer enfin la place de femmes dans l’Histoire, et contribue grandement à la démarche scientifique et historique vers davantage d’inclusivité.
En 2022, l’Histoire s’accorde au féminin.