Par Myriam Baulne
Voilà déjà près d’une trentaine d’années que l’Union des écrivaines et des écrivains québécois (l’UNEQ) tente sans succès d’obtenir des droits à la négociation par rapport à l’encadrement de leurs contrats. Avec un salaire médian s’élevant à environ 3000 $ par année en 2017, les écrivains et écrivaines du Québec sont définitivement à la recherche d’une façon d’améliorer leur situation, puisque la loi n’oblige pas la négociation d’ententes collectives dans le milieu littéraire. Mardi dernier, l’UNEQ a déposé un mémoire dans le but de réviser la loi régissant le statut des auteurs et autrices du Québec.
L’Union des écrivaines et des écrivains québécois œuvre depuis plus de 40 ans pour la valorisation de la littérature québécoise sur tout le continent et pour la défense des droits socio-économiques des écrivaines et écrivains d’ici. Fondé en 1977, ce syndicat professionnel regroupe aujourd’hui plus de 1600 poètes, romanciers, essayistes et auteurs d’ouvrages en tous genres. L’UNEQ offre à ses membres des services juridiques, de la formation continue, des rencontres et des conférences ainsi que différents outils de promotion, entre autres.
Des abus passés sous silence
Pour le moment, au Québec, les écrivaines et les écrivains ne possèdent pas le même statut que les artistes du cinéma, de la musique ou de la télévision au niveau légal. Il s’agit d’une lutte acharnée qui perdure et que de nombreux artistes ont à cœur. La situation est injuste; rien ne protège les écrivains des abus qui surviennent souvent au moment de signer un contrat. Les auteurs sont souvent dans une situation de vulnérabilité et n’ont pas les ressources pour négocier devant les grandes maisons d’édition. Parmi ces abus, on peut retrouver la signature de clauses prévoyant la cession des droits d’auteur, par exemple.
De plus, l’absence d’entente collective pour les écrivaines et écrivains n’offre pas de recours aux victimes de harcèlement sexuel ou psychologique. Rappelons-nous que, dans les derniers mois, des dénonciations avaient été faites par près de 300 femmes et personnes non binaires du milieu littéraire par rapport aux violences à caractère sexuel, malheureusement très présentes dans le domaine de l’édition. Un sondage de l’UNEQ publié en octobre faisait même état de la situation indiquant qu’une écrivaine sur trois avait déjà été victime de harcèlement dans le milieu littéraire. Il s’agit d’une donnée alarmante qui ne doit pas demeurer sous silence et qui devrait inciter les législateurs à agir.
Une culture du travail gratuit
Comme dans beaucoup d’autres domaines du marché culturel, une croyance malsaine sévit parmi les employeurs et les consommateurs : celle du travail gratuit. On attend des artistes qu’ils travaillent pour peu, pour des miettes, pour le plaisir, pour leur réputation. Malheureusement, la visibilité, la passion et les opportunités de réseautage ne paient pas le loyer et ne remplissent pas le frigo! Un changement de la loi régissant le statut des écrivains et écrivaines au Québec permettrait un meilleur encadrement des contrats et des événements promotionnels auxquels participent les auteurs et autrices.
Dans une entrevue accordée à Radio-Canada, Laurent Dubois, directeur général de l’UNEQ, s’exprime à ce sujet : « Un écrivain qui donne une conférence d’une heure lors d’un salon du livre [sans être rémunéré], dans quelle mesure fait-il la promotion de son œuvre ou de la maison d’édition? Ou est-ce une activité qui va permettre aux salons du livre de briller et d’attirer du monde? […] Il s’est mis en place une culture dans laquelle l’écrivain est le dernier payé, alors que, lors d’un salon du livre, tous les autres sont payés : les techniciens qui s’occupent du son et de l’éclairage, le lieu qui accueille l’événement… »
De nombreux artistes du domaine littéraire se battent d’ailleurs pour la valorisation de l’encadrement du travail d’écrivain et des droits d’auteur. David Goudreault, entre autres, aimerait aussi que la révision de la loi alloue la défense du statut de l’artiste jusque dans les institutions d’enseignement supérieur. Celles-ci, pour la plupart, hébergent des départements de littérature, et pourtant, utilisent régulièrement des textes sans payer de droits d’auteur.
Un vent de changement
L’UNEQ espère qu’une loi pourra être votée à la suite de la consultation du ministère de la Culture et des Communications et qu’une première ébauche d’entente collective pourra être définie en 2022. L’Union se dit optimiste par rapport aux négociations en cours et se réjouit de l’appui du public.
Au Québec, on aime la littérature. La preuve, 13 000 personnes ont participé à la Nuit de la lecture, une soirée de célébration culturelle mise sur pied par l’UNEQ chaque année depuis 2019, alors que l’organisation n’attendait que 800 spectateurs. C’est une belle réussite qui en enfantera beaucoup d’autres dans un avenir rapproché, espérons-le!
La littérature québécoise est un véritable trésor qui mérite d’être connu, célébré et encadré comme il se doit. Comme l’a dit Suzanne Aubry, présidente de l’UNEQ, « il convient de rappeler que beaucoup d’argent public est injecté dans la chaîne du livre, et c’est une bonne chose. Mais pendant combien de temps encore cet argent servira-t-il à financer une chaîne qui appauvrit son premier maillon? ».
En ces temps difficiles, ayons une pensée pour nos chers écrivains et écrivaines, qui pour nombre d’entre nous, nous permettent de profiter de petites richesses littéraires et d’oublier un peu la tempête qui fait rage dehors.