Par Victor Dionne
Dans un État américain historiquement républicain, les membres de la communauté LGBTQ+ peuvent rencontrer des difficultés légales que les résidents non LGBTQ+ ne connaissent pas. En Floride, les relations sexuelles entre personnes de même sexe ont seulement été légalisées en 2003 à la suite du jugement Lawrence v. Texas de la Cour Suprême des États-Unis. Pire encore, le mariage des couples de même sexe est devenu légal qu’à partir de 2015. Maintenant, l’État sudiste tente de restreindre les discussions au sujet de l’identité de genre et de l’orientation sexuelle.
Le 8 mars dernier, le sénat floridien a voté une loi qui interdit l’enseignement de certaines questions LGBTQ+ dans les écoles primaires. Le gouverneur de l’État, le républicain Ron DeSantis, devra ratifier la législation prochainement. Pour l’instant, il semble favorable à l’idée, amenant évidemment du mécontentement auprès de la population.
« Don’t say gay »
La loi, surnommée par ses contestataires « Don’t say gay » (ne parlez pas des homosexuels), va empêcher les personnes enseignantes de tenir un discours sur l’identité de genre et sur l’orientation sexuelle « d’une façon inappropriée pour l’âge ou le développement des élèves ». Elle s’appliquera de la maternelle à la troisième année du primaire.
Évidemment, les républicains se défendent en mentionnant que le texte n’empêche pas les discussions spontanées concernant ces différents sujets entre les élèves et les enseignantes et enseignants. De plus, les élus prétendent que le but de la législation n’est pas d’exclure les jeunes s’identifiant à la communauté LGBTQ+. Ils mentionnent plutôt que l’objectif est de redonner aux parents le contrôle de l’enseignement de l’identité de genre et de l’orientation sexuelle envers leurs enfants. Du moins, c’est ce que soutient Joe Harding, le politicien qui a présenté la loi.
Cette décision de la part de l’État américain pourrait engendrer une multitude d’impacts négatifs sur les élèves touchés par ce type de questionnement. Elle réduit l’espace de discussions touchant les enjeux LGBTQ+, puisque les élèves perdent un endroit sûr pour discuter de ce qu’ils vivent et ressentent. Les parents pourraient aussi poursuivre les établissements scolaires s’ils jugent que le contenu est « inapproprié », phénomène relatif aux valeurs familiales. D’ailleurs, puisque le phrasé « le développement de l’enfant » spécifié dans la loi manque de précision, la formulation laisse place à l’extension de la loi vers des groupes d’élèves plus âgés, précisent les opposants.
Protestations, même chez Disney
Certes, des décisions controversées comme celle-ci amènent du mécontentement populaire. Partout dans le monde, des critiques envers les autorités floridiennes sont sorties. Aux États-Unis, un grand nombre de groupes de défense des droits de la personne ont signalé l’attaque envers les membres de la communauté LGBTQ+. Même le président américain Joe Biden a commenté suivant l’adoption de la loi, la qualifiant de « haineuse ».
À Tallahassee, en Floride, des centaines de jeunes sont sortis avec leurs pancartes et leurs drapeaux arc-en-ciel. Devant l’Assemblée législative, les manifestantes et manifestants brandissaient majoritairement le slogan « We say gay » (on parle des homosexuels), en réponse au titre non officiel de la législation. De plus, un peu partout dans l’État, un bon nombre d’élèves du secondaire ont aussi manifesté contre son adoption.
De même, les employés du parc thématique Disney organisent des protestations en lien avec la nouvelle loi. Jusqu’au 20 mars, à chaque pause et à tous les jours, des actions coordonnées avaient lieu pour faire valoir le mécontentement face à la lenteur de la réaction du chef de la direction de l’entreprise Bob Chapek. Le 21 mars, une protestation généralisée du personnel LGBTQ+ de Disney a eu lieu, incluant le parc thématique de Californie et ailleurs.
Puisqu’il avait plus de 75 000 employées et employés avant la pandémie, le plus grand employeur du secteur privé de l’État sudiste influence énormément le pouvoir du gouvernement floridien, notamment grâce à des dons raisonnables aux partis politiques et aux politiciens. Pour le personnel, les déclarations émises par l’entreprise n’arrivent pas à la cheville des impacts de la loi. Le Devoir rapportait qu’elles n’arrivent pas à égaliser « l’ampleur de la menace pour la sécurité des LGBTQIA+ représentée par cette législation », selon les protestataires. Néanmoins, M. Chapek a soutenu que la société allait suspendre tous les dons de nature politique en Floride.
Dans les autres États
Selon la firme Human Rights Campaign (HRC), plus de 250 lois anti-LGBT+ ont été présentées dans différents états des États-Unis en 2021, particulièrement dans les États historiquement républicains.
Le gouverneur du Tennessee Bill Lee avait notamment signé une législation en mai 2021 qui discriminait les personnes transgenres. Les écoles qui laissaient ces dernières utiliser des toilettes et des vestiaires non genrés courraient le risque d’être poursuivies en justice. Les élèves et les corps enseignants doivent obligatoirement utiliser les toilettes correspondant à leur sexe associé à la naissance. Cette mesure a été qualifiée de discriminatoire par des avocats défendant la cause LGBTQ+.
Le 29 mars 2021, l’Arkansas a voté une loi interdisant l’accès aux mineurs à des traitements pour le changement de sexe. Les jeunes trans n’ont plus accès aux hormones nécessaires à la transition, tout comme les personnes en processus, jusqu’à leurs 19 ans. La pédiatre Michele Hutchison avait déclaré devant le Sénat que « de nombreux enfants étaient aux urgences après avoir tenté de se suicider » à la suite de cette décision.
Crédit image @ Ian Taylor