Par Carolanne Boileau
La dernière semaine aura été particulièrement difficile pour la population québécoise. Le lundi 13 mars, c’est un chauffeur à bord d’une camionnette qui a changé à jamais la vie de la petite communauté d’Amqui, en Gaspésie. Le vendredi 17 mars, c’est un jeune homme de 19 ans qui a commis l’irréparable dans l’arrondissement de Rosemont-La Petite-Patrie.
Depuis quelque temps, le monde est secoué par des actes violents, des individus à l’origine de tragédies inimaginables. Il serait faux de dire que de tels événements représentent du jamais-vu, des crimes sordides sont commis depuis que le monde est monde. Cependant, il est indéniable que le contexte pandémique et l’impact post-pandémie, en l’occurrence, ont amené avec eux une montée de la violence.
Déjà identifié comme une personne à risque
Lorsque des horreurs comme celle de la garderie de Laval, ou même de l’attaque au sabre de Québec, sont commises, on peut avoir le réflexe de croire que ce genre d’événement frappe seulement que les grands centres. L’attaque au camion-bélier, perpétré sur la route 132 à Amqui, aura révélé que ces tristes événements n’échappent pas aux régions tranquilles.
C’est en après-midi, le lundi 13 mars, que le quotidien des Amquiens a été chamboulé. Ce jour-là, Steeve Gagnon, un homme de la région âgé de 38 ans, a pris la vie de deux personnes et en a blessé dix autres. En entrevue avec La Presse, un témoin de la scène explique que Gagnon défilait à toute allure sur la route 132 à bord d’une F-150. Selon le témoignage de Ken Moreau, l’homme au volant semblait en contrôle de ses moyens. « Je ne l’ai pas vu crier ni parler. Il me semblait en possession de ses moyens. Il avait l’air de n’importe quel conducteur, sauf qu’il allait vraiment vite et en direction des gens qui marchaient », raconte-t-il au journal La Presse.
Peu de temps après la tragédie, on apprenait que Steeve Gagnon était bien connu dans la région et avait même été identifié comme une personne à risque. L’homme qui a délibérément foncé sur une douzaine de piétons avec sa camionnette avait de sérieux problèmes de comportements selon ses voisins. On soupçonne également qu’il souffrait d’isolement social, un mélange pouvant créer une véritable bombe à retardement.
Malheureusement, le cas de Steeve Gagnon n’est pas isolé. Des personnes à risque qui ne reçoivent pas d’aide, de soin ou qui passent simplement à travers les mailles du filet sont tristement nombreuses. La preuve, la tragédie d’Amqui n’est pas la seule pulsion meurtrière à avoir secoué le Québec la semaine dernière.
Un climat d’incompréhension
Le vendredi 17 mars, autour de 9 h 20, c’est maintenant l’arrondissement de Rosemont-La Petite-Patrie qui est frappé par un crime d’une violence inouïe. Dans un immeuble de la rue Bélanger, Arthur Galarneau, un jeune homme de 19 ans, aurait poignardé trois membres de sa famille. Les motifs derrière ce crime d’une horreur sans nom sont encore inconnus, mais les autorités soupçonnent que Galarneau souffrait de troubles de santé mentale.
En effet, le jeune homme avait mentionné sur ses réseaux sociaux qu’il avait vécu une période difficile depuis 2 ans, mais qu’il se sentait mieux maintenant.
« Je me sens vraiment heureux, mais le problème c’est que genre je n’arrive pas à le ressentir parce que genre les deux dernières années c’était vraiment hard, […] Ça fait que là genre de ressentir d’être heureux, c’est comme un pas dans le vide, fait que je le sais pas, c’est quand même épeurant de redevenir heureux. » – Arthur Galarneau dans une story Instagram
La suite de l’histoire telle qu’on la connaît laisse présager que Galarneau n’était probablement pas rétabli autant qu’il le croyait au moment d’écrire ces lignes. Encore une fois, la triste histoire de cette famille démontre un réel problème grandissant au sein de notre société. Ce jour-là, le manque de ressources a peut-être coûté 3 vies.
Un manque de ressources criant
Les tragédies de Laval, d’Amqui et de Rosemont-La Petite-Patrie ont toutes un aspect qui les lie. Comme le professeur de psychologie et Ph. D. Frankie Bernèche l’a mentionné : « toutes ces attaques ont un point en commun, soit une forte pulsion meurtrière motivée par un état délirant dans lequel le contact avec la réalité est absent ».
À la suite des meurtres commis par Steeve Gagnon à Amqui et Arthur Galarneau à Rosemont, les autorités apprenaient à la population que les deux individus étaient connus pour des problèmes de santé mentale. On peut donc se poser la question : comment faire pour ne plus échapper d’individus aux prises avec des troubles de santé mentale, et, surtout, comment éviter que d’autres drames se produisent ?
Lors de son passage à Amqui pour offrir ses condoléances à la communauté endeuillée, François Legault a fait la promesse d’investir en santé mentale. Selon un article du journal Le Devoir, le premier ministre a admis le manque de ressources dans le domaine tout en assurant que le prochain budget, attendu le 21 mars, octroierait davantage de ressources réservées à la santé mentale. Les chefs des partis d’opposition, Paul St-Pierre Plamondon, Marc Tanguay et Gabriel Nadeau-Dubois étaient également présents sur place pour offrir leur soutien. Les quatre hommes ont promis de mettre la partisanerie de côté pour régler le dossier de la santé mentale au Québec.
Toutefois, malgré les ressources financières et le bon vouloir des partis politiques, le manque de main-d’œuvre qualifiée représente également un problème criant. Un enjeu que le premier ministre François Legault a lui-même reconnu. En entrevue, M. Legault explique : « Il faut en faire plus en santé mentale, mais, le défi, c’est de trouver la main-d’œuvre qualifiée. Il y a des budgets que nous n’arrivons pas à dépenser, parce qu’il y a des postes affichés que nous n’arrivons pas à combler », rapporte Le Devoir.
Une réflexion collective s’impose. Des actions concrètes doivent être posées pour s’assurer que plus aucune vie ne sera arrachée par des individus aux prises avec des troubles non traités. Pas une de plus.
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