L’apprentissage de l’anatomie à la FMSS : la technologie peut-elle remplacer les cadavres?

Par Andréanne Beaudry

Alors que la curiosité et la fascination de Léonard De Vinci l’incitait à déterrer des corps pour en comprendre davantage sur l’anatomie humaine, qu’en est-il de cette pratique aujourd’hui? Est-ce que l’enseignement du corps humain sur des cadavres est encore d’actualité avec les nouvelles technologies sur le marché? Rencontre avec Claudia Beaulieu, technicienne prosectrice et responsable du laboratoire d’anatomie de l’Université de Sherbrooke.

Les laboratoires d’anatomie au Québec

Au Québec on compte présentement cinq établissements qui acceptent des corps pour la recherche ou l’enseignement, soit l’Université Laval, l’Université McGill, l’Université de Sherbrooke, l’Université du Québec à Trois-Rivières et le Collège de Rosemont (pour le programme de thanatologie).

Du côté de l’Université de Sherbrooke, son mandat est de soutenir les activités d’apprentissage de l’anatomie et celles de développement et d’intégration des habiletés techniques et chirurgicales, en plus de supporter les projets de recherche en lien avec la nouvelle technologie. Afin d’offrir un service de qualité, le laboratoire d’anatomie exige certains critères d’acceptation : il demande à ce que le corps soit en bon état de conservation, que le défunt ou la défunte ait un poids proportionnel à sa taille et que la personne ne soit pas atteinte d’une maladie contagieuse, dont le sida ou l’hépatite. Les responsables du laboratoire affirment cependant que malgré les nombreux critères, ils sont tout de même obligés de refuser des corps, puisque l’offre est suffisante en Estrie. Claudia Beaulieu précise que Sherbrooke accepte entre 70 et 80 corps par année.

L’enseignement de l’anatomie grâce aux dons de corps à la science

Le laboratoire d’anatomie de l’Université de Sherbrooke accueille des étudiants et des étudiantes en médecine, en physiothérapie, en ergothérapie, en sciences infirmières, en kinésiologie et même en génie pour comprendre le côté mécanique du corps afin de créer des prothèses, par exemple. Sans oublier que le laboratoire est accessible pour la formation continue des médecins et des professionnels du milieu de la santé. L’avantage d’utiliser des cadavres est d’offrir un environnement d’apprentissage sans stress.

Le nombre d’utilisateurs du laboratoire augmente chaque année et cette hausse est loin d’être terminée en raison de l’aménagement du nouveau laboratoire d’anatomie : six nouvelles stations chirurgicales reproduisant une réelle salle de chirurgie équipée à la fine pointe de la technologie. D’ailleurs, les activités d’enseignement offertes au laboratoire d’anatomie sont nombreuses : apprentissage de l’anatomie sur corps disséqués, atelier de médecine d’urgence, formation LHPM (laboratoire d’habiletés psychomotrices), formation sur les approches chirurgicales et plus encore.

L’abandon des cadavres : une astuce favorable?

L’idée que la technologie puisse remplacer les cadavres pour l’enseignement a été effleurée par certaines personnes. Même qu’aux États-Unis, cette pratique s’est vue remplacée dans quelques facultés de médecine. Cependant, en raison de résultats peu satisfaisants, la plupart devront revenir en arrière et réutiliser la bonne vieille méthode : étudier sur des cadavres humains. Pour la technicienne prosectrice de l’Université de Sherbrooke, « jamais un livre, un logiciel ou encore un mannequin ne pourra remplacer un vrai corps ». L’utilisation d’un cadavre reste encore le meilleur outil pour apprendre en raison de la dimension 3D, des différences anatomiques et de la perception tactile des différents tissus et organes lors de diverses techniques chirurgicales. Par exemple, effectuer un drain thoracique sur un mannequin sera toujours pareil (épaisseur de peau, largeur des côtes) comparativement au don de corps offert par la science. À vrai dire, les nouvelles technologies offrent un complément intéressant à l’apprentissage des techniques chirurgicales et anatomiques, mais elles ne remplaceront jamais les précisions que peut offrir la beauté du corps humain.

À Sherbrooke, comme dans d’autres universités au Québec, l’enseignement inclut plusieurs unités de formations, dont une au laboratoire d’anatomie. Le Centre de simulation PRACCISS (promotion, recherche et apprentissage des compétences cliniques et interprofessionnelles en sciences de la santé) « a pour mission de soutenir la formation, la recherche et le partage des connaissances en sciences de la santé à travers la simulation clinique en favorisant une approche interprofessionnelle et réflexive dans le but d’améliorer la santé et le bien-être des personnes et des populations ». En plus du laboratoire d’anatomie, le Centre compte un laboratoire de simulation clinique, un programme d’utilisation des patients standardisés et réels (PUPSR), un laboratoire de chirurgie, un laboratoire de physiothérapie ainsi qu’un laboratoire d’ergothérapie.

Pour le laboratoire de simulation clinique, l’utilisation de mannequins est alors nécessaire pour ce type de formation, puisque le personnel du Centre peut contrôler les réactions ainsi que les gestes de ceux-ci. Les étudiants et les étudiantes sont alors confrontés à un environnement simulé et semblable à ce qu’ils peuvent connaître en clinique grâce aux outils technologiques de pointe. Supervisés par des professeurs, ils peuvent alors développer leur savoir, leur savoir-faire ainsi que leur savoir-être.

Une complémentarité entre la racine et la technologie

Les professionnels du milieu s’entendent pour dire que l’enseignement de l’anatomie sur cadavre n’est pas en voie de disparaître. Pour une fois, la technologie servira uniquement de complément à une méthode qui puise ses racines depuis les recherches de Léonard De Vinci, cet homme aux multiples vocations.

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