Depuis quelques mois déjà, les agricultrices et les agriculteurs du Québec manifestent leur mécontentement face aux conditions économiques qui ne cessent de se dégrader. La crise agricole actuelle semble même prendre une ampleur mondiale.
Le revenu net dans le domaine a chuté de 93 % depuis 2022, ce qui accentue les difficultés financières rencontrées par les productrices et les producteurs. Le prix payé à ces derniers stagne, ou n’augmente pas assez, alors que leurs dépenses explosent à cause de la forte hausse du coût des intrants (semences, engrais, carburant, etc.), des investissements en matériel et des intérêts sur la dette.
De plus, le contexte engendré par la crise climatique et les pertes causées par les sécheresses, les feux de forêt et les inondations se multiplient.
La crise agricole s’amplifie
Le 23 mai dernier, à l’occasion d’une Rencontre provinciale sur la mobilisation et la crise en agriculture, près de 200 élus et professionnels de l’Union des producteurs agricoles (UPA) et de l’ensemble de ses 37 organisations affiliées ont fait le point sur le contexte économique difficile, la précarité de bon nombre d’entreprises agricoles et l’avancement des discussions à cet égard avec le gouvernement du Québec.
« Des milliers de productrices et producteurs ont participé à des ralliements aux quatre coins du Québec, ces derniers mois, afin d’exprimer leurs inquiétudes et leurs espoirs quant à l’avenir de l’agriculture et de la relève. Les résultats du sondage que nous dévoilons aujourd’hui confirment que les interventions du gouvernement, jusqu’à maintenant, n’ont pas permis d’atténuer la crise. La situation se dégrade et l’urgence d’agir n’a jamais été aussi grande », a déclaré le président général de l’UPA, Martin Caron.
Agriculture et Agroalimentaire Canada prévoit en effet un effondrement sans précédent du revenu net agricole québécois (-49,2 % en 2023 ; -86,5 % en 2024), du jamais vu depuis 1938. Cette chute est annoncée malgré les actions de La Financière agricole du Québec. Les productrices et producteurs sont alors d’avis que « le soutien québécois n’est pas à la hauteur (moins de 1 % du budget de l’État) et que les programmes sont insuffisants et mal adaptés aux réalités économiques, régionales et climatiques d’aujourd’hui et de demain ».
Le gouvernement du Québec a d’ailleurs réitéré à plusieurs reprises que la crise actuelle nécessite des interventions budgétaires, administratives et réglementaires d’envergure.
Un sondage peu reluisant
Au printemps 2023, l’UPA a dévoilé les résultats d’un sondage sur les conséquences de l’inflation, de l’augmentation des coûts de production et de la flambée des taux d’intérêt sur la situation financière des fermes québécoises. Ces résultats démontraient que l’agriculture était plus impactée que d’autres secteurs par les circonstances économiques défavorables.
Un an plus tard, une nouvelle édition de ce même sondage confirme que le contexte s’envenime et que les enjeux à l’origine du ras-le-bol des productrices et producteurs, qu’ils soient économiques, territoriaux, climatiques ou environnementaux, continuent d’avoir un impact grandissant sur la rentabilité de milliers d’entreprises agricoles et leur capacité de nourrir les Québécoises et Québécois.
Le sondage nous apprend, entre autres, que 11 % des entreprises envisagent de fermer temporairement, ou définitivement, leurs portes au cours des douze prochains mois. Soulignons que cette fermeture songée est beaucoup plus présente dans les MRC prioritaires, dans les régions périphériques et chez les plus petites fermes.
La situation fragile de toutes ces entreprises, exacerbée par une dette agricole croissante (27,2 G$ en 2022 ; + 123 % depuis 2012), une inflation persistante et des paiements d’intérêt qui grimpent en flèche, compromet donc encore plus la pérennité de l’agriculture et, ce faisant, de toute l’industrie bioalimentaire. Rappelons que le domaine agricole nécessite près de 8 $ d’investissement pour générer 1 $ de revenu, ce qui le distingue de plusieurs autres secteurs économiques.
Le président régional de l’UPA, Mario Théberge, sonne l’alarme : il affirme n’avoir jamais observé une crise si préoccupante dans son milieu. « L’inquiétude était palpable lors de la rencontre du 23 mai dernier. J’ai vu des larmes dans notre réunion, c’est à fleur de peau », racontait-il en entrevue à Radio-Canada. Il explique que les difficultés économiques poussent les productrices et les producteurs agricoles au pied du mur et que malgré la mobilisation et la pression exercée sur les dirigeants depuis deux ans, rien n’a changé. « On est rendu dans une situation où ils payent pour travailler. Nous sommes résilients, mais la limite est arrivée », déplore M. Théberge.
Besoin d’aide
Ce que le président régional de l’UPA et ses collègues attendent, c’est une réponse concrète et efficace.
« Les discussions en cours avec le gouvernement démontrent une certaine ouverture, mais ne permettent pas de conclure qu’il est prêt à une reconnaissance pleine et entière de l’importance économique, sociétale et stratégique des productrices et producteurs pour le Québec et ses régions. Une meilleure prise en compte de leurs priorités est requise rapidement, tant à court terme que dans le cadre du renouvellement de la Politique bioalimentaire du Québec l’an prochain », a complété Martin Caron.
Le président de la Coopérative pour l’agriculture de proximité et écologique (CAPÉ), Maxime Dion, est d’avis qu’une action rapide et durable est possible. « Il s’agit d’une occasion que nous devons saisir en tant que société afin d’assurer la viabilité d’une agriculture écologique, équitable et axée sur les besoins de la population », exprime-t-il dans Le Devoir.
Des alliés sont nécessaires, selon lui, pour « faire croître une agriculture plurielle, pérenne et nourricière », dont la population ainsi que les instances gouvernementales. « C’est tout le système agroalimentaire, y compris les gestes du quotidien et les habitudes citoyennes, qui doivent changer. »
Il propose donc de continuer à faire ce que plusieurs avaient commencé lors de la pandémie, c’est-à-dire acheter local auprès des fermes, que ce soit par les paniers de légumes biologiques, les marchés publics, les kiosques à la ferme, les marchés virtuels régionaux ou encore les boutiques fermières en ligne. « Tout en reconnaissant que les grandes chaînes d’alimentation demeurent souvent la source la plus accessible de nourriture, il est essentiel de comprendre que leurs politiques axées sur le profit ne favorisent ni la durabilité des fermes québécoises ni la santé des communautés. »
Source: Wikipédia
Sarah Gendreau Simoneau
Passionnée par tout ce qui touche les médias, Sarah a effectué deux stages au sein du quotidien La Tribune comme journaliste durant son cursus scolaire, en plus d’y avoir œuvré en tant que pigiste durant plusieurs mois. Auparavant cheffe de pupitre pour la section Sports et bien-être du journal, et maintenant rédactrice en chef, elle est fière de mettre sa touche personnelle dans ce média de qualité de l’Université de Sherbrooke depuis mai 2021.
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