Par Judith Doré Morin
Dévoilée récemment, la campagne sociétale PAUSE vise à informer et sensibiliser les jeunes de 18 à 24 ans à une problématique émergente: l’hyperconnectivité. Afin de mieux cerner les enjeux reliés à cette campagne, Le Collectif s’est entretenu avec Carolanne Campeau, coordonnatrice de ce projet d’envergure.
Manifeste de la campagne
«On est pas contre les écrans, mais on est pour le mettre de côté de temps en temps. On n’est pas contre la technologie, mais pour qu’elle nous facilite la vie. On est pas là pour te dire de te déconnecter, mais pour te rappeler que le contrôle, tu devrais le garder. Mais, si t’as tendance à l’oublier, on est là pour t’aider à prendre une pause. »
Une campagne pour informer et sensibiliser
Notamment à l’origine du déploiement du Défi j’arrête, j’y gagne! et du Défi Santé à l’échelle de la province, l’entreprise québécoise Capsana s’intéresse cette fois à l’hyperconnectivité. Ce terme permet d’identifier la tendance générale à utiliser Internet de façon excessive. Toutes les sphères du monde virtuel sont visées, notamment les réseaux sociaux, les jeux vidéo, ainsi que le téléchargement de films et de séries télévisées.
L’accessibilité accrue d’Internet comporte des aspects bénéfiques pour la communauté étudiante. Consulter des banques de données, communiquer avec ses collègues de façon instantanée, remettre un travail depuis le confort de son domicile et ce, une minute avant l’heure de remise officielle; tout cela est rendu possible par l’omniprésence et la diversité des outils numériques.
Force est de constater, toutefois, qu’une utilisation excessive d’Internet peut avoir des répercussions indésirables sur sa santé et son quotidien. La campagne PAUSE s’inscrit donc dans un effort d’informer et de sensibiliser les jeunes de 18 à 24 ans sur cette problématique, de même que de les outiller afin de leur permettre d’entretenir une relation équilibrée avec les technologies.
Quand le virtuel devient un problème réel
Il y a actuellement plus de personnes dans le monde qui possèdent un cellulaire que d’individus ayant une brosse à dent. Entre octobre 2011 et novembre 2017, il est rapporté que 259 individus sont décédés lors d’incidents impliquant la prise d’un égoportrait.
En moyenne, un individu consulte son cellulaire à toutes les quinze minutes. Près de 92 % des étudiants et des étudiantes apportent leur cellulaire à leurs cours. Il faut près de quinze minutes pour se concentrer sur son travail après avoir été distrait par Internet. Au Québec, les jeunes ayant entre 18 et 24 ans passent près de 32,9 heures par semaine sur Internet. Cela équivaut à un emploi à temps plein, mais non rémunéré.
Avec la multiplication des appareils mobiles et des réseaux sociaux, la crainte de rater quelque chose est désormais chose commune et pousse à des comportements compulsifs. Connu comme étant le FoMO, acronyme de l’expression anglaise «Fear of Missing Out», il s’agit d’un phénomène caractérisé par la peur de manquer quelque chose d’important sur les réseaux sociaux, tel qu’un statut ou un message instantané. Il en découle une certaine obsession, un besoin constant de vérifier son téléphone ou son ordinateur, juste au cas.
L’hyperconnectivité affecte particulièrement les jeunes de 15 à 24 ans. Outre l’âge, d’autres facteurs tendent à favoriser ce comportement excessif auprès des individus: faible estime d’eux-mêmes, troubles de santé mentale, difficultés d’apprentissage, changements important dans leur vie. À cela s’ajoute le fait qu’Internet soit accessible, anonyme et abordable, trois aspects que les gestionnaires de la toile exploitent afin d’accrocher les jeunes.
Addition des écrans, multiplication des conséquences
Les ressources psychologiques, financières et le temps requis par une utilisation excessive d’Internet tendent à croître parallèlement aux risques de se retrouver dans une situation de déséquilibre. Comme le mentionne Carolanne Campeau, les technologies doivent être au service des individus et non le contraire. Lorsque les technologies nuisent à la santé de la personne ainsi qu’à ses relations, tant professionnelles que personnelles, c’est signe qu’il y a un problème.
Les symptômes de l’hyperconnectivité sont diversifiés, bien qu’une liste fixe n’existe pas encore: isolement, sentiment de manque, problèmes de sommeil, mauvaise posture, maux de tête, anxiété, détérioration des relations interpersonnelles, diminution de la capacité de concentration et de mémoire.
Au fil du temps, une certaine tolérance au plaisir procuré par les stimulations propres à Internet se développe. Ceci oblige à se connecter davantage afin de ressentir le même bien-être qu’autrefois. L’individu qui utilise initialement Internet afin de se divertir en vient à l’utiliser afin d’éviter d’éprouver un malaise.
Plus accessible que jamais, Internet permet désormais de s’occuper l’esprit tant à la maison, qu’en cours ou dans la file d’attente à l’épicerie. Une impatience face à l’ennui s’ensuit. La connectivité élimine le besoin de trouver des moyens de se divertir, que ce soit en réfléchissant à des moyens de résoudre des problèmes du quotidien ou en développant de nouveaux talents.
Réfléchir et agir
Le lancement du site pausetonecran.com marque le début de la campagne conçue par Capsana. Le site se présente comme le véhicule d’un quizz ludique et interactif qui amène à prendre conscience de la nature de sa relation avec Internet et les technologies. Au terme du court questionnaire, l’individu obtient un profil correspondant à sa situation: hyper-plogué, décrocheur à ses heures ou consciemment connecté.
Le site propose également des ressources à consulter afin de reprendre le contrôle sur sa connectivité. Il suggère aussi une liste d’applications à télécharger afin de se concentrer sur ce qui importe vraiment. Parmi celles-ci, l’application SPACE permet d’évaluer son utilisation d’un appareil mobile tandis que l’application FREEDOM désactive le réseautage pour une période de temps déterminée.
Crédit Photo @ Campagne PAUSE