Fermeture des équipes de rugby à l’Université de Sherbrooke 

Par Nicolas Dionne 

Le 7 décembre dernier, les entraîneurs des équipes de rugby du Vert & Or ont annoncé à leurs athlètes que l’UdeS supprimait le rugby de ses clubs sportifs. Une situation reçue amèrement. 

Alors que les deux équipes s’attendaient à un bilan de fin de saison comme à l’habitude, elles ont finalement eu droit subitement à une rencontre de la dernière fois. Ayant été mis au courant la veille, les entraîneurs ont présenté l’argumentaire de l’Université, qui explique la décision. Des raisons de sécurité et de recrutement régional ont notamment été mentionnées.  

Selon des propos tenus lors de cette rencontre, le dossier est sur la table depuis l’année dernière à l’interne chez le Vert & Or. Toutefois, le personnel d’entraîneurs et les athlètes ont été mis au courant pas plus tard que la semaine dernière.  

« Ç’a été un choc. Ça fait longtemps qu’ils y pensent [le Vert & Or] et on n’était pas prévenus. Je ressens de l’injustice et de l’incompréhension en ce moment », relate Zoé Lord, athlète finissante de l’équipe féminine, qui fait partie d’un groupe d’athlètes qui effectue les démarches afin de sauver le programme de la dissolution.  

« On ne se sent pas vraiment écouté. Ce que je déplore le plus là-dedans, c’est que vous regardez cette avenue-là depuis plus d’un an et que vous commencez vos démarches pour fermer l’équipe, comment se fait-il qu’on n’ait pas été convoqués à ce moment-là ? On ne peut pas construire un argumentaire avec des solutions probantes avec seulement une semaine d’avis et on ne peut pas contre-argumenter sur des éléments avec si peu de temps. C’est ce qui me frustre le plus », mentionne quant à lui Félix Labbé, joueur de première année avec le Vert & Or, qui accompagne Zoé lui aussi dans le but d’infirmer la décision.  

Les clubs de rugby du Vert & Or, masculin et féminin, en fonction depuis 30 ans, auront permis de développer des athlètes de renommée internationale. L’ancienne capitaine Elisabeth Langevin, notamment, est l’une des ambassadrices de la prochaine coupe du monde de rugby présentée en France en septembre 2023. Le programme féminin avait même réalisé une entente avec le club de rugby français Rabastens du top 16, qui permet le transfert de certains athlètes lors de la session d’été afin d’évoluer chez les professionnels.  

Une décision pas prise de gaieté de cœur 

Selon Simon Croteau, directeur du programme d’excellence Vert & Or, la décision difficile de fermer les deux équipes sherbrookoises s’explique aussi pour des raisons d’engagements envers les acteurs du sport étudiant, en plus du déclin du rugby dans la région. Dans un rapport, le nombre de joueuses féminines au niveau secondaire a diminué d’une cinquantaine de personnes entre la saison 2018-2019 et la saison 2021-2022 dans la juridiction des Cantons-de-l’Est du Réseau du sport étudiant du Québec (RSEQ). Des chiffres similaires sont remarqués au niveau masculin.  

« Lors de trois parties cette année et deux fois l’an dernier, nous avons dû déclarer forfait par un manque de joueurs ou de joueuses. On doit respecter nos engagements que nous promettons envers le RSEQ, car ces enjeux ne concernent pas seulement nous, mais aussi toutes les équipes qui en font partie. Si on n’est pas capable de se présenter avec un effectif complet à un match, ça n’assure pas la sécurité à nos athlètes et on faillit à nos engagements, qui viennent avec la constitution d’une équipe sportive. » 

La fermeture du programme du Vert & Or entraîne des complications pour le développement du sport au Québec. Claudie Noël, présidente de Rugby Québec, exprime les multiples enjeux d’un arrêt du sport au niveau universitaire en région.  

« Comme tout le monde, ça nous a surpris d’apprendre cette décision. On a appris la nouvelle le jeudi 8 décembre et on devait construire, avec les personnels d’entraîneurs et les joueurs, notre argumentaire pour la rencontre finale, le lundi suivant. On aurait bien aimé être au courant plus tôt afin d’améliorer la situation. » 

« En tant que fédération, notre objectif est de développer notre sport sur l’ensemble du territoire québécois. Cette situation-là reste décevante pour nous, mais pour le monde également. On espère avoir une deuxième discussion par rapport à la décision. On restera conviviaux avec l’Université de Sherbrooke, mais c’est certain qu’on va tout faire pour soit garder le programme, ou le ramener si nécessaire. » 

« On perd l’attrait de continuer le sport à l’université pour les personnes de l’Estrie, mais aussi pour tout le Québec, sachant que 85 % des athlètes du programme ne proviennent pas de la région sherbrookoise. On devra perfectionner notre développement avec l’Université Bishop’s, mais ça reste qu’on perd une université francophone avec du rugby. » 

La pandémie de la COVID-19 a impacté massivement le développement du rugby. Pendant une longue période, le rugby était catégorisé comme un sport de combat sur le plan sanitaire. Cette réalité faisait en sorte que le retour s’est fait beaucoup plus tardivement que pour les sports s’apparentant au rugby, comme le football, notamment.  

Une solidarité accrue du milieu 

La nouvelle s’est rapidement répandue sur les médias sociaux. Une vidéo rassemblant des témoignages provenant d’anciens athlètes et des athlètes actuels du programme a été mise en ligne sur la page Facebook officielle du Vert & Or Rugby peu de temps après le dévoilement de la nouvelle. Une pétition est également en circulation, qui, au moment d’écrire ces lignes, a recueilli plus de 8 000 signatures en moins d’une semaine. Les équipes de rugby de l’Université Laval et de l’Université de Montréal font partie des organisations ayant montré publiquement leur soutien.  

Les joueurs ont été convoqués à une rencontre le 14 décembre avec la direction du Vert & Or afin de permettre aux athlètes de poser leurs dernières questions avant de fermer les deux équipes de façon définitive. Une vingtaine de personnes se sont présentées devant l’entrée du Centre sportif en geste de soutien. Le temps dira si cette sympathie changera la donne sur la décision de l’UdeS. 


Crédit image @Marilou Pilote

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