Par Sofie Lafrance
À l’occasion des 40 ans du Collectif, ce sont les yeux émerveillés que j’ouvrais le Grand livre des archives des premiers numéros du journal étudiant. C’est fascinant de lire ces choses du passé et de constater que plusieurs de ces titres sont toujours d’actualité. C’est en parcourant les pages de ces archives que j’ai eu le bonheur de mettre le doigt sur un article de 1978, soulignant la création du Comité-femme de l’Université de Sherbrooke.
De 1978 à 2017, deux réalités transposées, peu de divergences et trop de similitudes entre les enjeux des deux époques. « Les étudiantes sont continuellement en compétition avec les hommes : le système les y oblige pour d’abord avoir un diplôme et ensuite un emploi. » En parcourant ces lignes, je me téléporte 40 années plus tôt, je goûte le ton militant et je souris en détectant la subtilité des termes employés. Je réalise que ces femmes faisaient leur place sur les bancs d’école et devaient trouver un juste équilibre entre vie domestique et professionnelle. « Les ouvrières doivent s’occuper à la fois des travaux domestiques et de leur travail (revendications égalitaires et économiques). »
Le Comité-femme de 1978 se voulait restreint et non mixte. « Basé sur le dialogue, le témoignage, le vécu, ce genre de groupe vise à éveiller chez les femmes une conscience d’elle-même et des autres, et surtout il donne confiance en soi et dans les autres femmes, comme il permet d’analyser son expérience personnelle. » Quelle merveille que de constater le désir de briser l’isolement et de se donner le droit de dire tout haut ce qu’elles chuchotaient depuis tant d’années.
« Quand on connaît l’oppression, on ne veut guère l’exercer sur d’autres et de toutes façons le travail collectif et le refus de la rivalité fait que nous dépassons cet isolement et cette mentalité compétitive. »
Ainsi, le Comité-femme de l’époque luttait pour la prise de conscience collective des inégalités entre les sexes. Pour ce faire, quatre objectifs distincts avaient été établis, soit le travail de recherche sur l’avortement, la recherche sur la publicité et le montage, l’enquête sur le sexisme auprès des étudiants et des étudiantes et le rôle de la femme en politique. Oui. C’est maintenant que vous prenez une courte pause pour comprendre que, tristement, ces sujets font encore couler de l’encre.
Il existe présentement plusieurs comités femmes facultaires à l’Université de Sherbrooke, que ce soit en éducation, en droit, en physique ou en lettres et sciences humaines. Je suis donc allée à la rencontre de trois membres du Comité femmes de l’AGEFLESH, Hanna Krabchi, Myriam Louis et Aude-Sophie Bombardier, pour en apprendre davantage sur le mouvement féministe universitaire d’aujourd’hui.
Le Comité femmes de la FLSH « a été très fort dans les deux dernières années, mais présentement nous vivons une baisse de participation. Malgré cela, comparativement aux dernières années, où l’on se faisait questionner sur la pertinence du comité, les gens sont plus informés et intéressés par la lutte féministe, et sa pertinence est reconnue », soutient Aude-Sophie. Chaque session, le Comité femmes se réinvente, il ne possède ni mandat clair ni charte. « C’est l’aspect plus ‘‘anarchique’’ de notre vision à la FLSH », dit Hanna en souriant. Elle ajoute : « Actuellement, le Comité est mixte, il y a un homme qui en fait partie, mais cela varie d’une session à l’autre. Au-delà d’être mixte, notre Comité est très diversifié, nous avons des femmes blanches, des femmes racisées, qui ont des réalités tellement différentes. »
En fait, ce en quoi le Comité femmes de la FLSH se différencie du Comité-femme de 1978 est la question d’intersectionnalité. « C’est sûr que les femmes de ce temps ont fait des avancées, elles ont ouvert des portes, mais ce qui est triste c’est de constater que même la question de l’avortement est toujours actuelle, comme nous avons pu le voir avec Trump dernièrement », affirme Myriam. « L’intersectionnalité quant à elle vient chercher les subtilités de la discrimination, le sexisme n’est pas une seule discrimination, c’est une multitude d’inégalités subtiles. » Hanna renchérit que « l’idée d’intersectionnalité permet d’écouter la lutte des autres, de comprendre une réalité qui nous concerne toutes. On a ça dans le Comité, ce n’est pas toujours rose et les luttes ne sont pas toutes représentées, mais il y a une grande écoute. »
Selon Aude-Sophie, les groupes féministes inclusifs permettent de recueillir plus de partisans, car ils font « moins peur ». Elle estime que les hommes ont quelque chose à apporter au Comité femmes de la FLSH. « Ils nous aident à prendre notre place, je ne pense pas que leur présence vienne noyer les idées des femmes. Il faut également considérer que notre Comité, bien qu’il soit d’action, est aussi un comité d’éducation. Nous sommes là pour apprendre et nous éduquer, pour ensuite mieux passer à l’action. »
À ce sujet, Myriam croit que pour certaines femmes, se prononcer devant des personnes qui ne partagent pas leur réalité peut s’avérer être un obstacle. « J’ai discuté avec plusieurs personnes d’autres universités du Québec où les comités sont plus restreints, soit pour les femmes racisées, les trans, etc., et je crois que c’est important d’avoir un espace restreint pour ces personnes-là. Les groupes restreints permettent des moments entre personnes qui partagent les mêmes difficultés et je suis consciente des retombées positives et libératrices qu’ils ont. »
Plusieurs projets mijotent au sein du Comité, parmi lesquels se trouve un projet de coalition entre tous les comités femmes de l’UdeS. Myriam, Hanna et Aude-Sophie se réjouissent devant l’apparition de ces comités à travers le campus et devant la réunion de ces femmes et de ces hommes qui débattent sur leurs propres réalités facultaires. « Nous faisons partie d’un mouvement qui s’adapte et qui évolue. En fait ce n’est pas un mouvement, ce sont des mouvements, des féminismes, c’est vaste, ça nous dépasse », concluent-elles.
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