Cri du cœur : quand la culture est en crise!

Par Ariane St-Jean

Le dimanche 27 octobre dernier avait lieu le traditionnel Gala de l’ADISQ. Attirant plus d’un million de téléspectateurs, ce moment télévisé est prisé d’une grande majorité de Québécois et Québécoises. Pour tous ceux qui l’ont manqué, chaque lendemain de gala, des articles sont rédigés en guise de résumés de la soirée. Discutant autant des looks des vedettes que des moments marquants, ces articles permettent aux absents d’avoir une bonne vue d’ensemble de la grande soirée. Cette année, s’il y a bien un moment qui n’avait pas à se retrouver dans les journaux pour que l’on en entende parler, c’était certainement la « montée de lait » de Pierre Lapointe. L’auteur-compositeur-interprète, tout juste avant de présenter un prix, a lancé un cri du cœur au nom de tous ceux et celles œuvrant dans le domaine culturel qui sont, trop souvent, exploités par les géants du Web.

Retour en arrière

Depuis quelques semaines, Pierre Lapointe n’a pas peur d’affirmer son point de vue lorsque vient temps de parler de la crise numérique actuelle. Tout a en fait commencé le 4 octobre dernier lors de la parution de la lettre ouverte « Notre musique est menacée à haute vitesse, agissons ! » que Pierre Lapointe a rédigée avec l’auteure-compositeure-interprète Ariane Moffatt et Solange Drouin, coprésidente de la coalition pour la diversité des expressions culturelles. Cette lettre publiée en vue des élections imminentes avait pour but de dénoncer l’inaction des gouvernements quant aux lois inéquitables s’appliquant à la taxation des géants du Web. Avec plus de 200 signataires, tous issus du monde culturel, cette lettre a fait jaser, mais pas suffisamment pour résulter en les répercussions attendues par Pierre Lapointe.

Non pas quelques semaines après, l’artiste rebondit à Tout le monde en parle pour discuter du lancement de son nouvel album « Pour déjouer l’ennui ». Pendant l’entrevue, il a laissé paraitre son insatisfaction quant au manque de place accordée, dans les campagnes électorales des divers partis, à l’enjeu abordé dans sa lettre ouverte. Il a donc pris un autre angle et a décidé, cette fois-ci, de parler en tant que citoyen et non pas en tant qu’artiste. « Ce n’est pas l’artiste qui parle, c’est le citoyen canadien, j’insiste là-dessus. Quand on fait de l’argent, on en redistribue une partie dans un fonds commun au gouvernement sous forme d’impôts », dit-il, alors qu’il blâme les géants du Web qui ne paient pas leur part.

Le coup de grâce !

On peut dire que c’est le soir du Gala de l’ADISQ que la plaidoirie de Pierre Lapointe a réellement pris forme. En effet, tout juste avant de présenter le prix de l’album pop de l’année, l’artiste a averti l’auditoire qu’il ne pouvait pas ne pas profiter du spotlight pour aborder un petit mot quant à la crise culturelle occasionnée par la grande place valorisée des géants du Web.

Dans son discours, il rappelle que les artistes issus du milieu musical sont les premiers à avoir montré du doigt l’arrivée d’Internet. Il aborde que bien que le Web apporte une tonne d’avantages, il allait « tous nous foutre dans la merde ». Pierre Lapointe blâme le manque de réactions de la part des divers gouvernements qui, depuis les 20 dernières années, n’ont posé, ou presque, aucune action concrète pour aider tous les acteurs touchés par l’empire GAFA (Google, Apple, Facebook et Amazon). « La raison de ma petite montée de lait actuelle, c’est qu’on se fait voler depuis plusieurs années, beaucoup trop d’années, par des multinationales, qui viennent faire de l’argent au Canada et qui sont, comme par magie, exemptes d’impôts », dit-il d’un ton un peu énervé.

Son discours d’indignation fut reçu avec une pluie d’applaudissements des personnes assises dans la salle. Un moment fort de son discours reste certainement le moment où il donna un exemple concret de sa situation : « Pour 1 million d’écoutes de ma chanson, Je déteste ma vie sur l’application Spotify, j’ai écrit les paroles et la musique, j’ai touché 500 $. J’ai l’impression que ma contribution à Spotify vaut plus que 500 $. »

Le fond de la problématique

Au final, ce n’est pas tant la « montée de lait » de Pierre Lapointe dont on devrait parler. C’est surtout de la problématique se cachant derrière ses nombreux discours qui devrait tous nous alarmer. Les géants du Web font d’énormes profits sur le dos des artistes, des médias et bien d’autres industries.

Dans le domaine musical, un bon exemple serait que des multinationales comme Apple et Spotify offrent des services d’écoute de musique en continu générant de très grands profits dans leurs poches, mais pas dans celles des artistes écoutés. Également, ces mêmes compagnies sont exemptées d’impôts, ce qui n’a aucune logique si l’on réfléchit au fait que toute entreprise canadienne offrant produits et services au Canada paie des impôts.

Et maintenant ?

Bien que Pierre Lapointe en ait ému plus d’un, la question reste : que devons-nous faire à présent ? Plusieurs personnes se questionnent à savoir si ce seront les consommateurs qui finiront par payer. Comment s’assurer que les négociations des gouvernements ne se termineront pas la cessation des services de ces multinationales au Canada ou encore par une hausse des frais assumés par les consommateurs ?

Au final, ce qui est important, c’est d’en parler. Les services offerts entre autres par les entreprises GAFA sont grandement aimés de tous. Cependant, leurs redevances au milieu culturel sont moindres, ce qui laisse celui-ci plutôt perturbé. Les artistes sont très souvent peu payés pour toutes les recettes qu’ils permettront à Apple ou encore Amazon de recevoir.

Il va sans dire que le monde culturel est ébranlé par l’empire des géants du Web. Les gouvernements ne pourront bientôt plus attendre avant d’entamer des négociations plus sérieuses alors que l’industrie de la culture se mobilise pour des changements imminents. Comme Pierre Lapointe l’a si bien dit : « Il en va de notre survie culturelle ! »


Crédit Photo @ Voir.ca

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