Par Meg-Anne Lachance
En septembre dernier, la mort d’une étudiante iranienne de 22 ans est venue secouer le pays. En quatre mois de contestations, l’organisme Human Rights Activists in Iran dénombre déjà 18 000 arrestations et 500 morts. Malgré ces chiffres, les militantes iraniennes se font claires, elles ne s’arrêteront pas et le gouvernement ne semble pas prêt de flancher.
Le 11 janvier, l’Iran annonçait la condamnation à mort de l’ancien vice-ministre de la Défense Britannico-Iranien, Alireza Akbari. Trois jours plus tard, sa mort par pendaison était prononcée. Cette exécution crée une vague de colère à l’international. À la suite de l’annonce de cette condamnation, le diplomate britannique, James Cleverlya avait mis en ligne un tweet demandant au gouvernement iranien de renoncer à cette exécution, la classant « d’un acte politiquement motivé par un régime barbare qui a un mépris total pour la vie humaine ». Le diplomate américain Vedant Patel s’était aussi joint à cette demande, rapporte BBC.
La condamnation faisait suite à une vidéo mise en ligne démontrant les aveux de M. Akbari portant sur ses accusations de trahison et d’espionnage. Quelques jours après cette vidéo, le gouvernement britannique rendait public un message audio dans lequel Alireza Akbari disait avoir été torturé pendant plus de 3 500 heures et forcé d’avouer des crimes qu’il n’avait pas commis.
Ces évènements surviennent quatre mois après la mort de Mahsa Amini, étudiante iranienne âgée de 22 ans.
Le début d’une longue bataille
Le 16 septembre dernier, Mahsa Amini décède en garde à vue, trois jours après son arrestation pour avoir porté « une tenue inappropriée ». Selon la police, sa mort serait expliquée par un problème cardiaque soudain. Cependant, les militants affirment que cette dernière aurait reçu un coup à la tête.
Rapidement, la police s’était défendue, en assurant qu’aucun contact physique n’avait eu lieu, mais peu de temps après les évènements, les manifestations se sont emparées du pays. Des milliers de femmes, dans plus de trente villes, sortent dans les rues, brûlent leur voile et affrontent les forces de l’ordre en signe de contestation.
La colère fait son apparition sur les réseaux sociaux et de nombreuses personnalités publiques commencent à prendre position. Pour mettre fin à ce problème, les autorités iraniennes décident de bloquer l’accès à Instagram et WhatsApp et accusent les États-Unis d’implanter le trouble dans le pays. En réponse à ces accusations, Washington décide d’implanter des sanctions économiques.
Deux mois plus tard, soit le 22 novembre 2022, l’Iran dispute son premier match en Coupe du Monde. Pour montrer leur soutien, les 25 joueurs de l’équipe décident de ne pas chanter l’hymne national du pays et des pancartes stipulant « Femmes, vie, liberté » sont brandies dans les estrades. Pour plusieurs, cette Coupe du Monde sera le moment pour mettre de l’avant les problématiques présentes dans le pays, rapporte France 24.
Environ un mois plus tard, l’actrice Taraneh Alidoosti est arrêtée en raison de son soutien envers les manifestants. Selon France 24, ce sont plus de 500 acteurs et travailleurs du cinéma qui demandent sa libération immédiate. L’actrice, reconnue pour ses prises de position politiques controversées, a été détenue pendant trois semaines, pour finalement être libérée le 4 janvier dernier.
La réaction de l’autre côté de l’océan
En octobre dernier, le président américain Joe Biden avait démontré son appui en affirmant qu’il se tenait « aux côtés des citoyens, de courageuses femmes d’Iran » et en demandant au gouvernement de « mettre fin à la violence contre ses propres citoyens ».
Le soir du 3 décembre 2022, l’agence de presse Isna a annoncé que le procureur général Mohammad Jafar Montazeri a affirmé que la police des mœurs, police qui a effectué l’arrestation de Mahsa Amini, a « été abolie par ceux qui l’ont créée ». Cette nouvelle n’a cependant toujours pas été confirmée par le ministère de l’Intérieur.
Cette annonce n’a pas créé les réactions voulues. Rapidement, de nombreux protestants ont fait part de leur doute, dont le doctorant au Centre d’études et de recherches internationales de l’Université de Montréal Vahid Yucesoy. En entrevue avec La Presse, il affirme que « Ce n’est pas si facile de mettre fin à ça. De voir des médias occidentaux dire que c’est aboli, que c’est une victoire, ce n’est pas encore vrai. »
La députée de Québec solidaire Ruba Ghazal considère que cette décision est une bonne nouvelle, mais ne signifie pas autant la fin de la bataille ; « Il faut que ce régime qui a trop de sang sur les mains tombe », affirme-t-elle.
Cette dernière est aussi à l’origine d’une motion adoptée par l’Assemblée nationale en décembre dernier. Cette motion réclame le retrait de la République islamique d’Iran de la Commission de la condition de la femme des Nations Unies et demande aux autorités iraniennes de faire preuve de collaboration avec la commission d’enquête internationale indépendante. Elle affirme aussi que l’Assemblée nationale offre son « entière solidarité » à la diaspora iranienne du Québec.
De son côté, le gouvernement Trudeau annonçait, le 9 janvier dernier, de nouvelles sanctions contre des organisations et responsables iraniens. La Fondation du 15 Khordad, le journal Iran ainsi que le sous-ministre des Sports et de la Jeunesse Vahid Yaminpour sont tous touchés par cette décision. On leur interdit désormais de faire toutes sortes de transactions ou d’entrer au pays. Leurs avoirs se retrouvent aussi bloqués, rapporte Le Devoir.
À Sherbrooke, des marches ont été organisées afin de démontrer le soutien à la population iranienne. En discussion avec Radio-Canada, des manifestantes présentes affirment que cela est un moyen pour elles de soutenir leur pays. Nastaran Golchin, organisatrice de ces marches, espère qu’elles aideront à sensibiliser la population et attirer l’attention du gouvernement canadien, afin d’avoir plus de soutien.
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