Par Laurie Jeanne Beaudoin
Le Mois de l’histoire des Noirs traverse février, mais illustre des enjeux témoins du temps. Le Collectif a rencontré l’Association des étudiant.e.s noir.e.s en droit de l’UdeS (AEND) et plusieurs autres personnes issues de la communauté étudiante noire afin de mieux comprendre leur mission et leur réalité.
L’AEND a été créé il y a deux ans à la suite du mouvement Black Lives Matter. Djeinabou Barry, fondatrice et co-présidente de l’AEND, a rallié ses pairs pour créer une association à la hauteur de la beauté et la force de la minorité visible qu’est la communauté noire.
Les membres de l’association se mobilisent autour d’un but commun : ouvrir la discussion afin de mettre en lumière les enjeux sociaux, culturels, économiques et historiques que les personnes noires peuvent rencontrer dans leur quotidien et aider à la prise de conscience collective sur les enjeux touchant la communauté noire dans le monde juridique et ailleurs. Noémie Brodeur, représentante aux affaires externes de l’AEND, a expliqué dans une entrevue avec Le Collectif qu’il s’agit d’une association qui a sa place à l’UdeS : « Si je ne m’abuse, nous sommes la toute première association d’étudiant.es noir.es sur le campus principal de l’Université de Sherbrooke. Le nombre grandissant d’étudiants noirs au sein de la Faculté de droit nous a permis de former ce comité et de promouvoir l’inclusion des minorités visibles afin d’assurer la représentation dans le domaine juridique ».
Des initiatives pour pousser la discussion
L’AEND organise des événements tout au long de l’année, notamment sous forme de conférences à thème, où des juristes sont invités pour partager leurs opinions et leurs connaissances. L’association est aussi présente sur les réseaux sociaux pour partager des capsules vidéo sur différents sujets propres à la communauté noire, ou encore pour organiser des tables rondes, des débats, des podcasts, des ciné-forums et des live Instagram. Finalement, l’AEND aime collaborer avec divers organismes, comme Black Estrie à Sherbrooke. « S’associer avec des gens hors campus qui participent activement à la même cause que celle de l’AEND est très important pour notre comité, car il nous permet d’obtenir plus de visibilité et de sensibiliser un plus large public », confie Noémie Brodeur.
Il y aura toujours des gens moins enclins au progrès du changement dans les mentalités et des cultures. Néanmoins, une ressource comme l’AEND permet au moins de rassembler les gens de toute communauté afin d’apprendre et de déconstruire certains concepts à même le campus.
Point sur le Mois de l’histoire des Noirs
Souvent l’image projetée dans les médias est celle d’une communauté minoritaire qui lutte pour des droits ou qui dénonce certaines iniquités. Noémie Brodeur maintient qu’au contraire, le Mois de l’histoire des Noirs représente pour eux [l’AEND] une manière de célébrer, d’apprendre et d’échanger : « Ce mois est l’occasion de prévoir une plénitude d’activités visant à honorer l’héritage de ceux qui ont fait avancer les choses, de se concentrer sur les grandes réalisations de ces acteurs historiques qui se sont battus pour les droits des Noirs et de célébrer tout simplement la culture noire ».
Une autre étudiante de l’UdeS, Fanevamampiandra Herinirina, poursuit en ajoutant que : « C’est le mois pour valoriser ce que les personnes de couleur ont fait de marquant dans la société. Souvent, on lie les Noirs avec l’esclavage et le sous-développement, mais c’est bien plus ».
D’un autre côté, s’agit-il d’une visibilité forcée, puisque cette visibilité devrait briller tout au long de l’année? Comme l’explique Marie-Clarisse Berger, co-présidente de l’AEND : « C’est dommage, voire blessant, de constater que notre communauté existe seulement lors d’événements tragiques ou historiques ».
S’adapter à de nouveaux codes
À certains moments, on se doit tous d’adapter notre comportement au contexte social dans lequel on se trouve. Cependant, les personnes de la communauté noire y sont souvent plus confrontées.
Malgré le fait qu’elle a grandi à Rivière-du-Loup dans une famille blanche, Marie-Clarisse Berger vit à cheval entre la culture haïtienne qu’elle découvre depuis peu et la culture québécoise. « C’est comme si je ne me sentais jamais assez blanche ni jamais assez noire, donc je dois constamment m’adapter dans ce que je suis pour correspondre au groupe dans lequel je me trouve », explique-t-elle.
Abarry Abdou, étudiant à l’UdeS, à son arrivée au Québec, avait lui aussi le sentiment de devoir adapter son comportement à celui des autres [des Québécois] « Je me devais de comprendre ce qui est bien vu et ce qui ne l’est pas, car je n’avais plus de repères », confie-t-il.
Un projet et une personne valorisée
En mars 2021, Fanevamampiandra Herinirina quitte Grenoble pour venir suivre un stage en recherche ici à l’UdeS. À travers les activités associatives, notamment organisées par l’Association internationale des étudiants de l’Université de Sherbrooke (AIEUS), Faneva crée rapidement des liens autour d’elle.
Grâce à l’appui de l’Université et de l’association Fianaralab, 8 mois à peine après son arrivée au Québec, Faneva obtient une bourse pour soutenir la poursuite de son projet d’école d’été à Madagascar. L’école offre à ses étudiants et étudiantes des événements annuels d’échanges et de formation avec des experts nationaux et internationaux en lien avec les technologies d’énergie renouvelable et la gestion de l’eau.
« Pour moi, cette bourse, c’est vraiment un signe d’intégration et de confiance que j’ai reçu de l’UdeS », explique Faneva.
Des expériences variées à l’UdeS
La majorité des personnes noires qui ont témoigné pour Le Collectif ont confirmé avoir bien vécu leur intégration à l’UdeS. Les variations d’origines et des pratiques culturelles tintent les expériences d’intégration de chacun. L’UdeS est une institution scolaire qui promeut l’inclusivité, une valeur qui a fait son chemin dans la sphère sociale des étudiants et étudiantes.
Néanmoins, il est important de souligner que ces étudiants issus de la minorité visible sont encore à ce jour peu nombreux. L’intégration en milieu universitaire demande une adaptation qui semble plus aisément réalisée avec l’aide d’associations comme l’AEND.
Crédit photo @ AEND